Tai Chi Chuan, un art martial

Pour beaucoup de gens, le Tai Chi Chuan est synonyme d’exercice lent et paisible dont le seul but est la détente, la relaxation ou la méditation. Or, le présent texte vise à démanteler une telle conception des choses qui ne fait que déraciner les origines, la raison d’être et l’essence de cet art. Par le fait même, Monsieur et Madame Tout-le-monde seront plus en mesure de bien dissocier les charlatans des maîtres de Tai Chi Chuan.

Définissons d’abord le Tai Chi Chuan. Tai Chi signifie : faîte-suprême. Il s’agit là d’un principe universel habituellement représenté par la célèbre figure chinoise du cercle à l’intérieur duquel est tracée une ligne sinueuse séparant le Yin (symbole féminin) du Yang (symbole masculin). Ce symbole représente une réalité toute simple, celle de constater que, dans la nature, toute chose possède un opposé, lequel opposé est plus une entité complémentaire qu’opposée. Chuan signifie : poing ou boxe. Le Tai Chi Chuan, c’est donc le poing du faîte-suprême (aussi appelé boxe de l’ombre). C’est donc quelque chose d’essentiellement fondé sur le combat. Pourquoi avoir appelé cela le poing du faîte-suprême si nous avions voulu quelque chose d’exclusivement « santé » et méditatif? Le Tai Chi Chuan n’a pas été inventé pour la méditation, c’est une terrible erreur de croire qu’il en est ainsi. À vrai dire, n’est-ce pas le fait de tout art de conduire à une certaine méditation? En effet, la peinture, la sculpture, la cuisine gastronomique, rien n’y échappe. Le Tai Chi Chuan est un art martial avant tout. Pourquoi avoir appelé les mouvements : « avancer, dévier, parer et frapper », « trancher l’adversaire avec le poing », « frapper le tigre », « frapper avec le talon », « croiser les mains et transpercer l’adversaire », « pousser », « presser » et « coup de poing au sexe » s’il ne s’agit pas d’un art martial? Le Tai Chi Chuan, c’est la boxe, de la boxe chinoise.

Des gens m’appellent et me disent « j’ai déjà suivi des cours de Tai Chi, mais je ne suis pas sûr s’il s’agissait du style Chuan! ». Nous venons de le voir, Chuan n’est pas un style. Chuan veut dire : poing. Il est impossible de faire du Tai Chi, car ceci n’est qu’un principe cosmologique. Mais si on dit qu’on fait du Tai Chi Chuan, on précise alors qu’on fait un art de combat fondé sur le principe cosmologique : Tai Chi. Il y a cinq grands styles de Tai Chi Chuan : Che, Yang, Wu, W’u et Sun. Chacun de ces styles porte le nom de famille de son fondateur. En Outaouais, comme en Occident en général, il n’y a pratiquement que du Yang comme Tai Chi Chuan. Il faut donc dire qu’on fait du Tai Chi Chuan style yang.

Comment reconnaître un maître ou un bon professeur de Tai Chi Chuan? Un maître de Tai Chi Chuan doit connaître plusieurs formes. Plusieurs à mains libres, au moins une forme à l’épée, une au bâton, une au sabre, une à deux sabres, plusieurs formes à deux partenaires ainsi qu’une multitude d’applications martiales d’autodéfense, c’est-à-dire qu’il doit connaître la raison d’être des mouvements qu’il effectue sans quoi il ne fait rien du tout. Il doit pouvoir enseigner la direction précise de chaque mouvement selon la rose des vents, car chaque forme est en correspondance directe avec la disposition de l’univers et les points cardinaux. Il doit savoir où les yeux regardent à chaque instant. Il doit savoir à quel endroit on inspire et à quel endroit on expire pour chaque mouvement Il doit être en mesure d’enseigner la direction de l’énergie dans le corps, c’est-à-dire enseigner les parties du corps qui sont yin et celles qui sont yang dans chaque mouvement. Il doit connaître l’endroit où placer l’intention des mouvements. Il doit enfin connaître l’histoire de son art, sa position précise dans l’arbre généalogique des maîtres de son style de Tai Chi Chuan ainsi que la philosophie taoïste afin de guider ses élèves vers l’esprit de cet art martial : l’esprit guerrier qui, paradoxalement, est un esprit fondamentalement non violent, d’humilité et d’ouverture. Un dicton des arts martiaux chinois dit : « un mouvement, mille applications ». Si un maître de Tai Chi Chuan ne peut vous enseigner au moins une cinquantaine d’applications par mouvement des différentes formes du Tai Chi Chuan, alors il ne maîtrise pas l’essence de l’art qu’il pratique, il ne sait pas pourquoi il fait tel et tel mouvement. À l’époque de sa création, le Tai Chi Chuan était pratiqué rapidement, avec des sauts, des cris, etc. Tout le contraire d’aujourd’hui. Vous comprendrez donc que la plupart des pratiquants de Tai Chi Chuan d’ici sont très loin de pratiquer du vrai Tai Chi Chuan. Il est vraiment triste pour l’art qui cherche à vivre, de croiser des gens qui affirment faire du Tai Chi Chuan alors qu’ils sont en fait ignorants de l’origine de leur art et de la façon dont s’entraînent les maîtres.

Une notion à rectifier : le Tai Chi Chuan est un art qui est doux, mais qui n’est pas mou. Plus précisément, il est doux en apparence, mais l’intérieur est en béton. Les maîtres de Tai Chi Chuan sont solides comme des murs de brique et pourtant souples comme le roseau qui plie au vent. J’ai rencontré plusieurs maîtres chinois et ils meurent de voir comment l’Occident a dénaturé le Tai Chi Chuan. Il y a d’autres arts pour le côté exclusivement santé. Les Chinois n’ont pas inventé le Tai Chi Chuan pour la santé, mais pour l’autodéfense; il s’agissait, à l’origine, d’une question de vie ou de mort. C’est pourquoi c’est un art qui est longtemps resté secret et familial. Les Chinois ont inventé d’autres arts pour la santé comme le Chi Kung, l’acupuncture, etc. Si vous recherchez seulement la santé, tournez-vous plutôt vers la technique Nadeau, le conditionnement physique, etc. Si vous cherchez à méditer, alors il y a le yoga, le bouddhisme zen, etc. Le Tai Chi Chuan procure la santé, cela va de soi, c’est un art religieux et profondément spirituel. Mais mon point est celui-ci : la santé et la méditation sont des objectifs secondaires découlant logiquement d’une pratique sérieuse du Tai Chi Chuan en tant, premièrement, qu’art martial.

Puisqu’il s’agit d’un art martial, la pratique à deux partenaires est incontournable. Si on en vient pas à ce genre de travail, on passe complètement à côté de l’esprit du Tai Chi Chuan qui vise la réalisation de soi, car ce n’est que dans la rencontre de l’autre qu’un miroir s’offre à nous pour nous montrer nos peurs, notre ego, nos faiblesses, bref, nous-même. Le Tai Chi Chuan est un art de combat où l’ennemi est nous-même, mais où on le découvre que dans la rencontre de l’autre.

Faire un mouvement lent de Tai Chi Chuan est chose relativement simple. Tenter de l’appliquer martialement sur un agresseur à toute vitesse et en gardant un parfait équilibre, l’harmonie des gestes, etc., est chose drôlement plus difficile. Travailler seul est facile. Travailler à deux demande incomparablement plus de concentration, de présence d’esprit et de perfection, mais c’est là la seule voie des maîtres.

Vairaagya, le non-attachement

Nous pouvons aisément comprendre que la joie et la tristesse sont des émotions de nature transitoire. Tout ce qui existe subit l’influence d’une fluctuation constante, leur existence étant momentanée. Il demeure donc essentiel de méditer sur le non-attachement. Le Vairaagya n’implique pas l’abandon de nos relations, ni de notre travail, non plus de se réfugier dans la forêt ou dans un monastère. Il ne s’agit que de saisir que la nature de l’univers est transitoire et, par conséquent, nous désirons réaliser que notre être véritable réside derrière le sens du Je et de l’attachement, et que lui seul nous offre de la stabilité. En effet, dans son essence, notre être intérieur ne change pas.

Les quatre niveaux du non-attachement :

  1. Devenir conscient du fait que notre mental est malléable, qu’il transporte des idées et concepts, des mémoires (bonnes et mauvaises, et leurs effets) ainsi que du potentiel qui repose en nous.
  2. Après quelque temps, la pratique de la méditation nous transforme, nous devenons plus sensibles et conscients. L’ignorance et ses manifestations deviennent plus évidentes. Ce fait est inévitable.
  3. Si nous persévérons, nous réalisons un fait puissant : le monde entier réside dans notre esprit. De là, nous débutons une pratique personnelle, en acceptant que chaque individu a une leçon à apprendre qui lui est propre, une voie à suivre. Nous travaillons dès lors sur nous-mêmes, sur notre propre état de conscience, plutôt que de travailler sur celui des autres. Nous saisissons que nous pouvons faire une différence, si nous vivons avec plus de conscience, avec un état de conscience plus équilibré. Ainsi, nous devenons une source d’inspiration pour notre famille et nos proches, et nous parvenons simultanément à apprécier notre vie, avec satisfaction.
  4. Et si l’on persévère sur la voie du non-attachement, nous atteignons un état de maîtrise, de sagesse. Le contentement séjourne à ce niveau. La joie demeure, en fait, elle augmente, car elle est inspirée d’une clarté et d’un équilibre intérieur.

Néanmoins, il ne faut pas faire l’erreur d’associer le non-attachement à l’austérité, à un état de froideur ou d’insensibilité. Lorsque nous progressons et que nous atteignons une maîtrise croissante, nous voyons que nous n’avons renoncé qu’à l’indésirable, nous nous sommes libérés de besoins ou de désirs imaginaires.

L’état de non-attachement n’est pas de l’indifférence, nous ne le dirons jamais assez souvent. Certains rejettent parfois l’objectif de cette philosophie, la qualifiant d’inhumaine ou d’égoïste car ils imaginent qu’il s’agit d’une voie qui rejette tout, ayant un objectif égoïste : sa propre libération.

Il est important de comprendre que le résultat de cette pratique est l’approfondissement suprême d’un amour et d’une compassion véritables.

Quelle est la façon la plus facile d’obtenir le non-attachement? Il ne faut qu’entamer une pratique régulière de la méditation. Cette vie introspective mène à la force intérieure, à l’éveil de la conscience.

Dès lors, le moment présent est saisi dans toute sa plénitude. Loin d’engendrer de l’indifférence, notre amour pour ceux qui nous entourent est inclus dans notre objectif.

La mémoire d’un chat

« Le soi ne peut être atteint par le faible ni par la mollesse ni par une ascèse imprécise. » Mandak Upanishad

Nous sommes récemment déménagés dans l’Ouest d’Ottawa. On y a découvert une région accueillante, des gens sympathiques et avec eux, leurs multiples animaux domestiques. J’ai toujours aimé les animaux, reconnaissant en eux une possibilité de communication simple et attendrissante. Devant notre maison se trouve une gentille dame qui accueille tous les chats errants qu’elle rencontre. Ses chats viennent nous visiter librement, régulièrement.

Cependant, l’un d’eux, jeune, vif et en santé, un joli chat noir, manifeste un comportement étrange : lorsqu’on l’appelle, il s’approche avec réticence et maintient une distance d’au moins 20 pieds. Et si l’on tente de l’approcher, il s’enfuit à toute vitesse. Pourtant lorsqu’il maintient selon lui une distance respectable, et qu’on lui parle, il se frotte sur les objets environnants, recherchant de la tendresse; une tendresse qu’il n’obtiendra peut-être jamais.

Je ne pus m’empêcher de faire un parallèle avec un principe important de la merveilleuse philosophie de Patanjali (sur la science du yoga) : les sanskars. Selon le yoga, les sanskars sont des mémoires, tendances ou habitudes, conscientes ou non, profondément ancrées dans notre mental.

L’objectif du yoga est de parvenir à saisir la présence de cette mémoire et son effet sur notre existence, dans le but de la purifier, de la transformer. Ceci nous permettant de vivre une existence fondée sur la liberté et sur l’émancipation, une vie comblée d’amour et de satisfaction.

Ce chat n’a pas la capacité analytique de l’esprit humain, et il demeurera probablement sous le joug de ses sanskars. Cependant la voie introspective du yoga illumine ces tendances de la lumière de l’introspection. La méditation nous mènera vers un temps où nous serons prêts à faire de grands pas vers la liberté de vivre. En effet, il y a au cœur de tous et chacun une aspiration d’universalité, un désir d’émancipation et de paix intérieure. Mais il n’y aura pas de paix intérieure si nous tentons de fuir la vie, si nous nous cachons derrière des idées même très spirituelles sans parvenir à incarner calme, respect, responsabilité, amour, universalité et compassion.

Lorsqu’un individu débute la pratique de la méditation, il passera par maintes phases, certaines comblées d’enthousiasme, certaines comblées d’observation. Tant que nous ne faisons pas les pas nécessaires à notre évolution, les Écritures nous préviennent que nous devrons revivre les mêmes situations, jusqu’à ce que nous puissions faire ce pas vers l’avant, vers notre objectif ultime qu’est unité et conscience. Si l’on décèle en nous des peurs et des résistances, nous voilà de nouveau sous l’emprise des sanskars, résidus dans la mémoire d’un passé qui n’existe plus, mais que nous emportons avec nous, et réanimons constamment. Le yoga insiste donc sur la flexibilité non seulement physique mais mentale. Il nous lance un grand défi, celui d’accepter, de pardonner et d’avoir l’immense courage requis pour évoluer, pour être vraiment soi-même. Et s’il le faut, d’abandonner un passé qui n’existe plus que dans notre mémoire.

Un autre éminent objectif du yoga est d’aller par tous les moyens possibles au-delà des illusions créées par le monde. Malheureusement, souvent ce principe est mal compris, et l’on perçoit des individus qui rejettent le monde en le qualifiant d’illusoire. Je crois qu’il s’agit bien au contraire de se libérer de l’illusion, car un esprit clair est libre de complexité, il accueille l’existence avec tendresse et compassion. Il y a en nous un sens intuitif du fait que nous sommes déjà libres, malgré la cage illusoire des complexités mentales qui nous assujettissent. Un effort dans la pratique mène graduellement vers une grande libération. Plutôt que d’être le sujet impuissant d’une profonde complexité, comme ce joli chat noir l’est, nous avons la capacité de raisonnement nécessaire à notre émancipation. Unies à une ascèse régulière, ces réflexions vont engendrer une plus grande conscience et liberté. En effet, une méditation quotidienne mène aux perspectives adéquates à la transformation.

Nous avons tous des choix multiples à faire durant notre vie. Il est sage et essentiel d’avoir comme objectif de pardonner à ceux qui nous ont blessés, de choisir de vivre avec liberté, de choisir d’aimer et de respecter notre propre vie et celle de ceux qui nous entourent, car rien d’autre ne nous satisfera véritablement. C’est alors que notre objectif de vivre une spiritualité intégrée sera atteint. Notre plus grande richesse sera alors fondée sur un esprit tranquille.

Voie du bonheur véritable

Quel est le but du grand voyage intérieur? Vivre mieux sa vie? C’est déjà un pas dans la bonne direction. Être plus heureux? C’est ce que nous voulons tous, sans trop savoir comment, car beaucoup des choses que nous faisons pour être heureux nous font souffrir davantage. Comme si, par ignorance, nous cherchions le bonheur… dans la direction opposée!

Des méthodes éprouvées

Dans la philosophie orientale, on dit que le but de la vie et de tous nos efforts pour atteindre le bonheur et la perfection, c’est la réalisation de la bouddhéité. Qu’est-ce exactement? « Celui qui possède une sagesse transcendante, omnisciente, est un Bouddha, et cet état est appelé bouddhéité », dit le Dalaï Lama. Et « puisque le but final est l’atteinte de cet état omniscient, ajoute-t-il, le pratiquant devra examiner avec soin les moyens et méthodes qui conduisent à cette réalisation ».

Les méthodes que nous exposent les maîtres authentiques, tels Lama Mipham, Yongey Mingyour Rinpoché ou le Dalaï Lama, ne sont pas des « trucs » nouveaux, des recettes à la mode du jour, aux résultats aléatoires, mais des moyens éprouvés depuis des millénaires, appuyés sur une connaissance précise des étapes qui mènent concrètement à ce but. Ces maîtres ont enseigné, avec une grande compassion pour la misère humaine, des moyens sûrs pour devenir des êtres d’exception et nous libérer de la souffrance. L’outil privilégié de ce cheminement, le cœur même du processus d’éveil est la méditation.

Une science contemplative

Lama Mipham, par exemple, propose une démarche méditative rigoureuse et effective qui s’appuie sur une véritable « science contemplative », selon l’expression de Matthieu Ricard. Cette science a été élaborée au prix d’efforts considérables par des êtres qui, au départ, étaient comme nous et qui, grâce à la méditation, ont atteint des niveaux de conscience exceptionnels. « Sans pratique contemplative, écrit Tarthang Tulku, on ne peut voir la nature de l’esprit. » Ni, d’ailleurs, la véritable nature de ce que nous appelons la « réalité ».

Comment peut-on atteindre quelque réalisation que ce soit tant que l’on nourrit des illusions sur la réalité? Avec un peu de réflexion, on constate, par exemple, que rien ni personne n’existe par soi-même de façon indépendante et autonome, mais que tous les phénomènes sont interdépendants et impermanents. Cette conception peut avoir des conséquences cruciales pour notre vie et notre quête de bonheur, mais elle ne peut être pleinement réalisée qu’à travers la méditation. Si elle n’est pas « réalisée », nos efforts pour progresser sur la voie de l’éveil demeurent stériles, car nous continuons de vivre dans la fiction du moi.

L’union du « calme profond » d’un esprit bien contrôlé et de la « vue claire et pénétrante » conduit à la concentration parfaite, clef de toute réalisation. Réaliser ne veut pas dire seulement « se rendre compte », « prendre conscience », sens premier de l’anglais to realize; réaliser, c’est aussi « accomplir », « rendre réel et effectif », ce qui est le sens premier de ce verbe en français. La réalisation n’est donc pas le fruit d’une simple réflexion intellectuelle, mais d’une contemplation directe de la nature ultime des phénomènes, de leur vacuité, c’est-à-dire, du fait qu’ils n’ont pas d’existence inhérente et qu’ils sont éphémères.

L’esprit indiscipliné et distrait est souvent comparé à un singe fou qui saute sans arrêt d’une branche à l’autre. Sans concentration, on n’arrivera jamais à rien sur cette voie. « Les enseignements du Dharma (la Voie de l’éveil) n’ont qu’un seul but, dit le Dalaï Lama : discipliner l’esprit. » Nous apprenons aussi, par la méditation, à maîtriser en nous la circulation des énergies qui, dans les conditions « normales », sont comparées à des chevaux sauvages et aveugles, conduits par un infirme (l’esprit ordinaire)!

Ne pas « saisir »

Il est grand temps de démystifier la méditation, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’encens, la musique new-age et la posture du lotus. Quand on veut méditer, il est important de s’asseoir droit et de se détendre, d’être présent, simplement, d’observer la respiration, les sensations, les pensées, sans essayer de ne pas penser. C’est dans la nature du cerveau de penser. La concentration parfaite ne réprime pas l’activité mentale : l’esprit reste concentré sur son objet, sans se laisser emporter par les pensées, sans les « saisir ». Au début, bien sûr, quand on constate que l’on est distrait, on devra ramener patiemment l’esprit sur la posture ou la respiration, sans essayer de « faire le vide ».

Avec un peu de pratique, nous pourrons nous-mêmes corroborer assez rapidement les bienfaits et les fruits de la méditation et renforcer notre confiance dans ces merveilleux enseignements. Certains ouvrages sur la méditation éclairent aussi bien les premiers pas sur cette voie que les étapes plus avancées de la pratique, avec les pièges à éviter, les obstacles à surmonter et, comme dans Calme et Clair, les caractéristiques de la vue profonde. Ce livre peut accompagner et guider notre pratique pendant des années; c’est un outil précieux dont nous découvrons toute la profondeur et l’importance au fil de l’éveil qu’il aura favorisé.

L’ultime avoir

Comme, dans le bouddhisme, philosophie et pratique sont indissociables, les ouvrages comme ceux du Dalaï Lama ou de Lama Mipham nous dévoilent l’essence du bouddhisme, que la méditation de la vue permettra de vivre et de réaliser dans toute sa plénitude.

Tant que l’on pense que le bonheur se trouve à l’extérieur, dans la possession de diverses choses ou le contrôle d’autres personnes, nous avons peu de chances de le trouver; nous le poursuivrons toujours à l’extérieur et nous chercherons en dehors de nous des coupables pour nos malheurs. Nous n’avons rien contre le bonheur, certes, mais encore faut-il prendre un moyen qui peut nous le procurer. Les choses extérieures peuvent contribuer temporairement au bonheur, mais elles n’en sont pas la cause profonde. La cause principale du bonheur est dans « l’entraînement de l’esprit », dont la porte d’accès est la méditation. Rappelons-nous ces paroles très justes de Raôul Duguay, dans sa chanson Le Voyage : « Être au pouvoir de soi est l’ultime avoir ».

La spiritualité au quotidien

Dans ma quête de spiritualité, qui dure depuis une trentaine d’années, j’avais trouvé une belle philosophie, mais qui n’était pas enracinée dans ma réalité concrète. Il restait un malaise et je me questionnais sur l’utilité du spirituel dans la vie quotidienne.

Ce questionnement m’a amenée à découvrir l’importance du moment présent, de la présence à soi et à ce qui se vit dans notre corps. Pour moi, il est devenu évident que le corps et l’esprit étaient liés. Je me suis tournée vers l’étude de nos différents corps énergétiques, des chakras, et des conséquences sur tous les plans de leurs diverses affectations.

Avec le temps, j’ai réalisé que pour être en accord avec toutes ces parties de moi, le corps, l’esprit, l’âme, il me fallait apporter des changements dans mon mode de vie à plusieurs niveaux. Rendre le quotidien spirituel. M’aimer inconditionnellement avant d’arriver à aimer les autres de cette façon. Me créer un environnement qui respecte qui je suis et mettre mes aptitudes au service de la communauté, par un travail plus en accord avec mes valeurs ou par du bénévolat auprès de divers organismes.

Cette prise de conscience a été plutôt insécurisante puisqu’elle impliquait des changements majeurs.

Mon âme souffrait d’être à Montréal, loin de la nature, et déménager à la campagne impliquait de refaire des liens dans un autre lieu. Parfois, il est plus facile de demeurer dans notre connu même s’il ne nous satisfait pas. Les grands changements demandent beaucoup d’énergie et le courage d’affronter l’inconnu.

Après plus d’un an dans les Laurentides, j’ai trouvé de nouveaux groupes d’appartenances, dont un groupe de réflexion et un groupe de méditation, et je me sens plus en paix avec moi-même. J’ai repris l’écriture pour divers médias. J’ose espérer trouver un travail dans la région afin de participer au bien-être de la collectivité où je vis, plutôt que celle d’une ville devenue étrangère. Je me sentirais enracinée, je pourrais déployer mes ailes et offrir le meilleur de moi-même, en me sentant entière et au bon endroit. Mon quotidien devient de plus en plus spirituel!

Le bonheur et la sagesse

« Le devoir le plus sous-estimé est celui d’être heureux. En étant heureux, nous semons des avantages anonymes sur terre. » [1] Nous sommes tous à la recherche du bonheur, de façon plus ou moins concrète et par tous les moyens possibles. Ceci est d’une importance telle que dans notre société « les pères fondateurs des États-Unis » ont reconnu ce [désir de bonheur] indirectement lorsque le 4 juillet 1776, ils ont déclaré que la « recherche du bonheur » était un des droits indéniables. » [2]

En effet, la recherche du bonheur est essentielle. Et pour que le bonheur demeure avec nous, il doit résider dans un état d’esprit fondamental. Et cet état peut être développé par l’entremise de la contemplation et la méditation.

Le plaisir et le bonheur : Une grande distinction!

Un des préceptes premiers de la philosophie orientale est de reconnaître une grande distinction entre le plaisir et le bonheur.

Le plaisir est de nature transitoire et contient en lui un sentiment inhérent d’insécurité; qu’on l’admette ou non, quelque part en nous, on sait que les sentiments de plaisir et d’exaltation sont transitoires. Par exemple, nous planifions un voyage dans le Sud, l’achat d’une maison plus grande, d’une voiture plus luxueuse, d’obtenir une promotion au travail, et peut-être un jour d’avoir des enfants. Et pourtant le voyage dans le Sud ne dure pas très longtemps, la plus grande maison peut avoir des problèmes ou tout au moins devenir un fardeau (financier ou autre), notre voiture peut mal fonctionner et notre nouvel emploi peut ne pas être parfait. Bien sûr, un jour nos enfants vont partir de la maison et faire leur propre vie. Et tous ces objectifs génèrent un sentiment temporaire de satisfaction et de plaisir. Il sera évident, d’une façon ou d’une autre, que nos désirs et projets ne peuvent pas nous procurer de bonheur complet.

Comment obtenir le bonheur véritable? Nous commençons par poser des questions. Nous cherchons à comprendre la nature de l’expérience humaine. Nous questionnons la réalité : ma réalité est-elle identique à celle de mes voisins? Qui est-ce qui possède la vraie réalité? Est-ce que mes plans et projets m’ont procuré stabilité et bonheur?

Ce questionnement nous mène à la réalisation que si nous prenons du recul face à nos désirs et projets, nous reconnaissons qu’au cœur de notre être réside une réalité merveilleuse dont la nature est paix et satisfaction.

Et cette réalité est toujours présente, dans notre essence.

Les formes vont changer. Mais l’endroit paisible en nous, derrières pensés et idées, est toujours à notre disposition.

De réaliser cette partie fondamentale en nous, nous donne l’expérience du contentement et du bonheur. De ce niveau de conscience, l’aspect merveilleux de la vie devient prédominant. Les subtilités sont perçues et appréciées. Comme mon beau-père me disait à Noël : « Depuis ma crise cardiaque, je perçois clairement à chaque matin à mon réveil que chaque journée est un don, un beau cadeau du ciel! ».

Il a dû apprendre cette leçon profonde de façon difficile. Mais à sa façon, il exprime maintenant une des plus anciennes vérités qui existent. Le bonheur est tout simple : apprécier chaque instant précieux, chaque instant de conscience et d’éveil.

Et chaque instant possède ce potentiel d’être heureux.

Cette perspective peut être perçue et intégrée dans notre vie quotidienne par l’entremise d’une pratique régulière de la méditation, de pair avec un sentiment de valorisation profonde pour la sagesse. Grâce à l’étude de la philosophie et aux réflexions profondes, nous saisissons que le bonheur se retrouve dans le moment présent, qu’il réside au cœur de notre propre existence. Le bonheur est ici et maintenant. Pas demain. Ni dans vingt ans à notre retraite. Mais maintenant! À regarder les flocons de neige, la luminosité d’un coucher de soleil, à déceler l’émerveillement inhérent à chaque instant.

Cette reconnaissance se manifeste lorsque nous prenons le temps de ralentir, peut-être juste un peu, et de regarder en soi. Ces simples pas nous mèneront vers une vie mieux équilibrée et satisfaisante.

  1. Robert Louis Stevenson, Écrivain écossais (1850-1894)
  2. The Deeper Dimension of Yoga, Georg Feuerstein, p. 101

La nature au service de l’homme ou le contraire?

La notion d’harmonie avec la nature a été délaissée depuis belle lurette. L’homme tue, altère la nature sans aucune raison, excepté pour l’argent! La nature a été créée pour être au service de l’humain, et non pas pour en être l’esclave. Tout arbre, toute fleur, ont pour but d’aider l’homme coûte que coûte. L’arbre a une vie. Il est aussi vivant que l’homme lui-même. Seule sa forme de vie est différente. L’arbre devrait être pour l’homme un point de référence pour canaliser et étudier la valeur de ses agissements. L’arbre est bien enraciné dans la terre qui l’a fait naître et ses branches s’élancent vers le haut. Il a besoin de la terre et du ciel pour grandir. Enlevez l’un ou l’autre, et l’arbre périra. En quelque sorte, la terre en est la mère, le ciel en est le père. L’homme n’échappe pas à la règle. Souvent ses pieds sont très enracinés dans la terre, mais hélas son regard se dirige également vers le bas. Il n’aspire pas à plus haut, contrairement à l’arbre. Quand l’homme n’aspire pas vers le haut, vers son évolution, et quand il ne cherche plus à grandir, alors il stagne, à ras la terre, et il meurt aussi petit qu’à sa naissance.

La nature étant ce que l’homme est, elle a besoin de respect. Et c’est cette notion de respect de la nature qu’il est essentiel à l’homme d’aujourd’hui de retrouver, non à travers de grandes philosophies, mais à travers des gestes simples et concrets de tous les jours. La nature a en elle-même tout ce qu’il lui faut pour se développer avec les moyens mis à sa disposition. L’homme, lui, trouve que la nature ne produit pas assez, ne grandit pas à son goût. Il veut la mâter comme on mâte un chien. Alors, il ajoute à la terre toutes sortes de produits chimiques hautement concentrés, sans penser une seconde que la terre est intelligente et qu’elle sait aller chercher elle-même ce qu’il lui faut, mais à son rythme.

Force de constater que l’homme agit avec la terre souvent comme il le fait avec son corps. Quand son corps est malade, au lieu de lui laisser le temps de se remettre par le repos et des moyens naturels, il se gave d’antibiotiques et de remèdes chimiques de toutes sortes afin d’être sur pied le plus vite possible… pour se diriger vers une autre maladie, causée par sa totale ignorance des lois de la nature.

On pourrait parler durant des heures et des heures sur ce sujet, mais ce qui est important de comprendre, c’est le principe du respect de la nature. Servons-nous de la nature, elle a été créée pour être à notre service, pas notre esclave. Chaque fois que nous nous en servirons, faisons-le avec respect et avec amour, d’égal à égal. Considérons-la comme l’être que nous aimons le plus au monde, et elle nous le rendra…

Dire oui à la vie… même si…

Ah non, il n’est pas question d’avoir un chien, et encore moins deux chiens, à la maison!!!

C’est la réponse sans appel que je donnais à mon chum, suite à sa demande d’apporter avec lui ses deux chiens, lorsqu’il a aménagé chez moi avec son garçon. Bien qu’il fut déçu de ma fermeture complète sur ce sujet, il trouva donc une famille qui voulut bien accueillir ses chiens.

Plusieurs années passèrent ainsi, bien que mon conjoint glissait parfois dans la conversation que ce serait plaisant de partager nos activités quotidiennes avec un chien…

Un certain soir de février 2007, j’ouvre le téléviseur et l’émission « César, l’homme qui parle aux chiens » est diffusée à ce moment-là. J’écoute attentivement la philosophie de César et je reconnais la passion de mon chum pour les chiens. Je réalise à ce moment que j’empêche mon chum de vivre de beaux moments suite à ma fermeture à la nouveauté. Comme je suis en formation à l’extérieur, je l’appelle au téléphone, je lui dis que c’est ok, on pourra avoir un chien si ce dernier peut vivre à l’extérieur et non dans la maison.

Pendant quelques semaines, nous feuilletons différents livres sur les races canines pour savoir quel chien s’adapte bien à notre climat. Je suis confiante, je pense que comme j’ai dit oui à mon chum, ça va être comme avec les enfants, il va oublier sa demande d’avoir un chien pour passer à d’autres choses. Ben non, la même semaine, nous apprenons qu’un couple se sépare et comme ils ne peuvent pas garder leur chien, il nous demande si nous voulons l’adopter. Mon chum saute de joie, accepte immédiatement, c’est une femelle labrador, le 1er choix de mon chum…

Le 21 mars 2007, nous accueillons donc cette chienne nommée Kina. Consciencieusement, je m’applique à l’ignorer complètement. Je n’aime pas ça, point à la ligne. Un chien, ça pue dans l’auto quand on se rend au chalet, ça pleure quand je mange, ça bave, ça jappe à tout moment, c’est dépendant et bon voilà, j’aime mieux les chats…

La semaine suivante, nous sommes en route pour le chalet accompagné de la neige qui tombe doucement sur le pare-brise de l’auto. En arrivant au chalet, je verse le fond de ma tasse de café sur la neige. Kina, le chien, s’empresse d’aller lécher le café sur la neige. Aaaaahhhh… là je suis surprise, moi qui adore un bon café, le chien semble du même avis que moi. Bon ben, voilà, un point de gagné pour elle.

Quelques mois passent ainsi et j’ai peu conscience de cette chienne dans son enclos qui épie le moindre de mes gestes lorsque je sors à l’extérieur. Mais je continue ma stratégie, je la regarde peu ou pas du tout, je ne lui donne pas d’attention, sauf pour la corriger si besoin est.

Un soir, nous nous préparons, moi, mon chum, et ce chien, pour notre marche quotidienne. En attendant mon chum, qui a oublié la laisse à l’intérieur, ce chien qui était fou de joie à l’idée d’aller se promener, se calme, s’assoit face à moi et me fixe intensément. Je sens son regard intense, insistant. Pour la première fois, je tourne mon regard vers elle et je prends le temps de la regarder dans les yeux. À ma grande surprise, je n’y vois que de l’amour inconditionnel. Je suis très touchée, très émue. À cet instant, mon cœur vient de s’ouvrir pour cet animal. Je réalise tout ce que j’ai manqué en l’ignorant. J’avais dit oui avec ma tête, mais j’avais gardé mon cœur fermé à la nouveauté. J’avais permis à mon chum de retrouver ce plaisir de partager la vie avec un chien, mais j’étais restée fermée à ce changement. Si je ne m’étais pas permise d’acquiescer à cette opportunité, j’aurais manqué de beaux moments ainsi que de belles leçons transmises par ce chien. Je n’aurais jamais appris comment on peut aimer sans condition un animal tout en ayant, réciproquement, le respect.

La majorité des êtres humains appréhendent le changement, la nouveauté, l’inconnu. Nous maintenons, quitte que quitte, notre routine, nos habitudes de vie. Malheureusement, même si notre quotidien nous rassure, nous n’apprenons plus, nous n’évoluons plus. Et quand nous osons accepter, avec un cœur ouvert, ce que la vie nous présente, tel un nouvel emploi, un(e) nouveau(le) conjoint(e), une occasion d’affaire, une amitié naissante, etc., nous recevons tellement plus que ce à quoi nous nous attendions. Le mental tente de planifier l’avenir, mais la vie ou l’amour, nous réserve tellement de belles surprises et d’opportunités d’aimer encore plus.

Alors vous qui me lisez en ce moment, êtes-vous prêt(e)s à dire oui à la vie… même si…

Cheminer vers l’harmonie, un état d’esprit!

Les 4 phases majeures d’apprentissage

« Tout dégouline ces jours-ci! La spiritualité dégouline! Me dites-vous que je ne peux pas donner un sens à ma vie parce que je n’aspire à aucune réincarnation? »

Tel était les propos de Pierre Foglia, journaliste pour La Presse, le samedi 15 novembre dernier. Ce constat, fait par une personne qui se dit athée, est bien représentatif de l’état dans lequel se trouve la société d’aujourd’hui, cette société encore bien ancrée dans le dualisme, encore en train de chercher des réponses dans ce monde. Cherche et ne trouve pas…

Et pourtant, ce fameux monde dans lequel nous cherchons et où nous pensons être, n’est qu’un reflet, selon les physiciens quantiques, d’une expérience locale par des êtres non locaux, vous. Vous avez l’impression d’être ici et vous avez peut-être l’air d’être là, mais l’espace n’est qu’une idée de séparation, de dualité, comme le temps. Tout dans cet univers nous ramène au mode de pensée dualiste, où ce que l’on vit, semble bon seulement en comparaison avec le mauvais. Le beau semble beau seulement en comparaison avec le laid. Le gentil ne peut exister que si un méchant existe aussi. Que serait le gentil si le méchant n’existait pas? Il serait, tout simplement!

Le dualisme est le domaine du sujet et de l’objet, le mode de pensée de ce monde, de cet univers dans lequel nous semblons vivre. Il y a vous et les autres. « Il y a vous et Dieu, apparemment séparés l’un de l’autre ». Cette attitude dualiste, très bien expliquée par la physique newtonienne, nous amène à croire que Dieu est à l’extérieur de soi. Ainsi, Dieu est lui aussi considéré avec une attitude dualiste; il est bon ou mauvais, il aime ou il punit ou les deux en même temps… selon son humeur! Ceci décrit bien le conflit par lequel passe chaque être humain en cheminement vers l’harmonie. Cette vision dualiste est un état d’esprit, une attitude intérieure qui décrit la première phase majeure d’apprentissage de l’être humain sur le chemin de la spiritualité.

La seconde phase est une forme plus douce de dualisme. Ici, l’esprit accepte que Dieu soit amour, mais l’esprit reste encore en conflit avec cette idée car si Dieu est amour, est-ce qu’il peut détester? Si Dieu est amour, peut-il être imparfait? Si Dieu aime son fils, est-ce qu’il va le punir? Ce mode de pensée, que l’on pourrait appeler semi-dualiste, en est un où l’esprit commence à perdre une partie de sa peur secrète de Dieu. Dieu semble moins menaçant. Il est encore à l’extérieur de soi, mais on sent qu’il n’est pas nécessairement la cause de notre situation.

Viens par la suite la troisième étape d’apprentissage qui est représentée par la vision spirituelle non dualiste. Celle-ci nous amène à remettre en question sérieusement notre croyance en la séparation. Nous prenons conscience de l’effet miroir (l’extérieur de soi est à l’intérieur de soi et vice-versa) et du principe de l’unité où tout est relié. Il n’y a plus de sujet, ni d’objet, nous ne faisons qu’un…, mais avec qui ou avec quoi? « Presque tous ceux qui se posent cette question y répondent en disant que c’est avec Dieu ». Le non-dualisme peut sembler répondre à la satisfaction de plusieurs êtres qui sont en quête de vérité et de maîtrise de leur esprit, comme l’a effectivement fait Bouddha. Mais le non-dualisme ne reste encore qu’une imitation de l’unité authentique, le non-dualisme pur. Il n’en demeure pas moins que le non-dualisme traditionnel est une étape nécessaire, car il éveille chez les gens la capacité de remettre en question tous leurs jugements et toutes leurs croyances. Ainsi, ils reconnaissent le principe de l’unité, ce qui est un pas dans la bonne direction. La physique quantique démontre très bien cette idée de non-séparation et d’illusion par le simple fait que la pensée crée, que l’on ne peut même pas observer une chose sans causer un changement en elle au niveau subatomique. « Tout est dans l’esprit, y compris notre corps. » Par contre, il y a une vérité qu’aucune philosophie n’enseigne, sauf une et qui est rarement bien acceptée dans ce monde; « c’est que cet esprit est lui-même une illusion ». L’erreur du non-dualisme est de présumer que l’être humain et cet univers tout entier ont été créés dans leur forme présente par Dieu, ce qui permet de les légitimiser plutôt que de les abandonner éventuellement.

Si l’unité seule existe, tout autre chose qui paraît exister doit avoir été inventée. Abandonner l’idée que Dieu est l’auteur du monde est la prochaine étape à franchir pour atteindre la quatrième phase d’apprentissage de l’être, le non-dualisme pur. Si Dieu est parfait et éternel, tout ce qu’Il crée doit l’être également. Nous ne pouvons pas avoir à la fois notre univers et avoir Dieu. « Ils s’excluent mutuellement. Tout ce qui vient de Dieu doit être exactement comme lui. Le non-dualisme pur ne fait aucun compromis sur cet énoncé ». Dieu ne pourrait rien créer qui ne soit pas parfait. Cette logique est sans faille. Mais c’est quelque chose que pratiquement personne ne veut réellement étudier et apprendre. Ça effraie tout le monde inconsciemment (et consciemment!), puisque ça implique l’abandon de toute individualité ou identité personnelle. Et pourtant cette étape nous apprend que l’on ne perd rien pour recevoir tout (ou le TOUT!). Si Dieu est amour, Il n’est rien d’autre et nous non plus. Le non-dualisme pur nous fait prendre conscience que nous n’existons même pas individuellement, à aucun niveau, qu’il n’y a même pas d’âme individuelle ou séparée. Il n’y a que Dieu… ouf, pas facile à digérer! Il ne faut pas oublier que chacune des quatre phases majeures d’apprentissage est un long chemin vers la paix, un chemin imprévisible, parfois difficile et à travers lequel un individu interprétera un même texte de façon différente, selon la phase d’apprentissage dans laquelle il sera engagé. Toutes ces phases ne sont qu’une attitude intérieure, un état d’esprit qui nous amène à cheminer vers l’harmonie.

Guérir du mal à l’âme

Mal de vivre… Mal d’aimer… Mal du siècle… Ce ne sont décidément pas les maux qui manquent, non plus que les mots pour le dire! La vie nous semble peut-être ingrate par moment, si ce n’est que nous sommes, bon gré mal gré, les seuls et uniques artisans tant de notre malheur que de notre bonheur. Comme le dit si bien Rousseau : « Insensés qui vous plaignez sans cesse de la nature, apprenez que tous vos maux vous viennent de vous ». Il est sans doute aisé – et souvent commode, ou à tout le moins tentant – d’en attribuer la cause à des facteurs externes, mais le fait est que nous sommes responsables à part entière de nos pensées, de nos paroles et de nos actes, de même que de leurs conséquences et des états d’âme qui en résultent.

Pour nous affranchir des dualités qui sous-tendent nos hauts et nos bas, nous devons tout d’abord comprendre qu’elles ne sont dues qu’à une conception matérielle de l’existence, ce que Victor Hugo avait lui-même bien compris : « Le mal, c’est la matière. ». Ayant de longue date oublié notre identité spirituelle, nous nous identifions en effet à notre corps comme si nous existions que par lui.

Pour guérir définitivement des maux du corps, du cœur et de l’esprit, il n’est d’autre avenue que de guérir du mal à l’âme. Négligée, notre identité spirituelle demeure en effet impuissante à guider l’intelligence, elle-même censée guider le mental et les sens de manière à harmoniser notre existence sur tous les plans. Il suffit pourtant d’apprendre à la connaître et de développer la conscience de son rapport à l’Absolu pour retrouver le vrai sens de la vie et percevoir sous un tout autre jour les incontournables joies et peines qui jalonnent notre quotidien.

Le bien-être et la paix intérieure sont au rendez-vous à chaque détour de notre existence, pour peu qu’on accepte de leur donner droit de préséance. Mais encore faut-il apprendre à cesser de pourchasser des chimères, tout en s’allouant le temps et l’espace nécessaires pour changer de paradigme. Car, ce n’est pas en courant sans relâche après la sécurité, le confort, la richesse ou la gloire qu’on trouvera la sérénité. Seule la connaissance de l’âme et de l’Absolu peut nous donner de percer les mystères qui hantent notre esprit depuis le début des temps. Alors pourrons-nous voir la fameuse lumière au bout du tunnel.