Bien installée dans ma maison, j’ai eu envie de ne rien faire : juste rester là, assise dans mon fauteuil préféré et laisser la douceur du silence balayer mes préoccupations de tous les jours.
Ne rien faire n’est pas bien vu dans notre société. Même en vacances. Et pourtant, ne rien faire est un merveilleux moyen d’ouvrir en soi une brèche par où le souffle de la créativité peut se glisser dans notre vie.
Les artistes le savent. Dès que la page blanche reste muette, que les couleurs refusent de chanter sur la toile ou que les notes de musique désertent la partition, ils abandonnent l’action, mettent de côté leur volonté et restent à l’écoute de l’inconscient.
Les artistes comprennent que l’inconscient est une grande marmite qui ne demande que quelques ingrédients pour mijoter une œuvre de création : un peu de technique, une ou deux idées et la capacité de s’ouvrir aux images vivant au fond de soi. Quel plaisir alors de voir jaillir des profondeurs de son être, des plages inconnues et des forêts mystérieuses qui rappellent que l’on est plus grand que ce que l’on croyait être. Se laisser porter par le flot de la créativité, quelle belle façon de ne rien faire!
L’inaction ne met pas seulement notre créativité en lumière. Parfois, elle dévoile nos peurs, nos angoisses, nos colères, nos jalousies, nos frustrations, notre honte, bref, toutes ces choses sombres que nous aimerions refouler pour toujours. Avez-vous remarqué que notre meilleur ami est rarement nous-même? Rester en notre seule et unique compagnie n’est généralement pas notre activité préférée. Seul, nous nous supportons difficilement. Nous nous ennuyons vite. Nous sentons notre vide intérieur. Et pour ne pas vivre trop longtemps avec les parties de nous qui nous dérangent, nous fuyons dans l’activité extérieure, les divertissements ou dans les bras d’amis qui, espérons-nous, écouteront, comprendront et nous aimeront mieux que nous nous aimons nous-même. Il existe pourtant des moyens qui facilitent un face à face avec soi-même.
Il y a de nombreuses années, je me souviens d’avoir été désemparée. Fraîchement débarquée dans une ville étrangère, je me suis retrouvée loin de ma langue natale, de mes habitudes et de mes amis. Je ne connaissais personne. Je me sentais seule. J’ai alors décidé de faire de moi ma meilleure amie.
J’ai pris un cahier, un crayon et j’ai écrit toutes les pensées et tous les sentiments tels qu’ils se présentaient à ma conscience. Embarrassé par la syntaxe et la ponctuation, mon crayon n’allait pas assez vite pour saisir ce qui déferlait en moi. J’ai donc momentanément laissé tomber les règles grammaticales pour donner libre cours au flot intérieur, qui se déversait sur la page blanche comme un torrent trop longtemps réprimé. Cette écoute active m’a été profitable. Non seulement la solitude est devenue un agréable endroit où me retrouver, mais j’ai découvert un moyen efficace de me connaître de plus en plus profondément, tout en me laissant porter par l’inépuisable source créatrice qui vit en moi. Je crois que cette source vit en chacun de nous. Elle n’attend qu’une toute petite brèche pour s’élancer dans notre vie. Elle attend peut-être que vous ayez un tout petit moment pour… ne rien faire.
Ne rien faire! Pourquoi faire? Vraiment?