Quelques jours s’étaient écoulés. J’avais amadoué ce nouvel univers où le ciel me saluait en plein matin de rosée, où les fleurs frémissaient de leurs pétales.
J’avais apprivoisé les oiseaux, tous ces yeux qui me regardaient et ces grands arbres où la vie bat à grands coups, qui vous prennent de vertige tant on ne peut les maîtriser.
Au bord de chaque nuit, assise dans l’immense cathédrale au ciel d’encre, je réussissais à cueillir des étoiles. Et personne ne pouvait lézarder cette harmonie au fond de ma tranquille vallée.
Mais un midi, j’avais engagé mes pas au bord de la rivière, là où le soleil n’invente que des pierreries d’or, lorsque soudain je parvins à entendre une musique de silence jouée sur des instruments dont les ondes marquent l’entrée du grand Temple. De nulle part, elle me jette cette vérité en plein visage :
Le temps n’a pas de temps sinon celui que l’on veut bien lui donner.
Et doucement, elle me parle de cet autre monde, celui du dedans où je pouvais puiser toujours toute énergie tout amour permettant de hisser bien haut le drapeau de l’espérance.
Elle m’invita ensuite à aller vers d’autres ailleurs, là où les gens ne connaissent ni l’eau, ni le soleil presque, là où jamais des cris d’oiseaux ne disent le lever du jour.
« Va, me dit-elle, il faut partir, même s’il te reste tant à apprendre du silence, du jour et de la nuit, du tout.
Tu seras l’eau, l’oiseau et le soleil qui manquent.
Va… ce n’est jamais derrière qu’est demain! »
Texte anonyme laissé dans un ermitage de Champboisé
Extrait de « Silence que dis-tu? » de Josée Latulippe et Gilbert Plouffe, 2000, Novalis