Quel est le but du grand voyage intérieur? Vivre mieux sa vie? C’est déjà un pas dans la bonne direction. Être plus heureux? C’est ce que nous voulons tous, sans trop savoir comment, car beaucoup des choses que nous faisons pour être heureux nous font souffrir davantage. Comme si, par ignorance, nous cherchions le bonheur… dans la direction opposée!
Des méthodes éprouvées
Dans la philosophie orientale, on dit que le but de la vie et de tous nos efforts pour atteindre le bonheur et la perfection, c’est la réalisation de la bouddhéité. Qu’est-ce exactement? « Celui qui possède une sagesse transcendante, omnisciente, est un Bouddha, et cet état est appelé bouddhéité », dit le Dalaï Lama. Et « puisque le but final est l’atteinte de cet état omniscient, ajoute-t-il, le pratiquant devra examiner avec soin les moyens et méthodes qui conduisent à cette réalisation ».
Les méthodes que nous exposent les maîtres authentiques, tels Lama Mipham, Yongey Mingyour Rinpoché ou le Dalaï Lama, ne sont pas des « trucs » nouveaux, des recettes à la mode du jour, aux résultats aléatoires, mais des moyens éprouvés depuis des millénaires, appuyés sur une connaissance précise des étapes qui mènent concrètement à ce but. Ces maîtres ont enseigné, avec une grande compassion pour la misère humaine, des moyens sûrs pour devenir des êtres d’exception et nous libérer de la souffrance. L’outil privilégié de ce cheminement, le cœur même du processus d’éveil est la méditation.
Une science contemplative
Lama Mipham, par exemple, propose une démarche méditative rigoureuse et effective qui s’appuie sur une véritable « science contemplative », selon l’expression de Matthieu Ricard. Cette science a été élaborée au prix d’efforts considérables par des êtres qui, au départ, étaient comme nous et qui, grâce à la méditation, ont atteint des niveaux de conscience exceptionnels. « Sans pratique contemplative, écrit Tarthang Tulku, on ne peut voir la nature de l’esprit. » Ni, d’ailleurs, la véritable nature de ce que nous appelons la « réalité ».
Comment peut-on atteindre quelque réalisation que ce soit tant que l’on nourrit des illusions sur la réalité? Avec un peu de réflexion, on constate, par exemple, que rien ni personne n’existe par soi-même de façon indépendante et autonome, mais que tous les phénomènes sont interdépendants et impermanents. Cette conception peut avoir des conséquences cruciales pour notre vie et notre quête de bonheur, mais elle ne peut être pleinement réalisée qu’à travers la méditation. Si elle n’est pas « réalisée », nos efforts pour progresser sur la voie de l’éveil demeurent stériles, car nous continuons de vivre dans la fiction du moi.
L’union du « calme profond » d’un esprit bien contrôlé et de la « vue claire et pénétrante » conduit à la concentration parfaite, clef de toute réalisation. Réaliser ne veut pas dire seulement « se rendre compte », « prendre conscience », sens premier de l’anglais to realize; réaliser, c’est aussi « accomplir », « rendre réel et effectif », ce qui est le sens premier de ce verbe en français. La réalisation n’est donc pas le fruit d’une simple réflexion intellectuelle, mais d’une contemplation directe de la nature ultime des phénomènes, de leur vacuité, c’est-à-dire, du fait qu’ils n’ont pas d’existence inhérente et qu’ils sont éphémères.
L’esprit indiscipliné et distrait est souvent comparé à un singe fou qui saute sans arrêt d’une branche à l’autre. Sans concentration, on n’arrivera jamais à rien sur cette voie. « Les enseignements du Dharma (la Voie de l’éveil) n’ont qu’un seul but, dit le Dalaï Lama : discipliner l’esprit. » Nous apprenons aussi, par la méditation, à maîtriser en nous la circulation des énergies qui, dans les conditions « normales », sont comparées à des chevaux sauvages et aveugles, conduits par un infirme (l’esprit ordinaire)!
Ne pas « saisir »
Il est grand temps de démystifier la méditation, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’encens, la musique new-age et la posture du lotus. Quand on veut méditer, il est important de s’asseoir droit et de se détendre, d’être présent, simplement, d’observer la respiration, les sensations, les pensées, sans essayer de ne pas penser. C’est dans la nature du cerveau de penser. La concentration parfaite ne réprime pas l’activité mentale : l’esprit reste concentré sur son objet, sans se laisser emporter par les pensées, sans les « saisir ». Au début, bien sûr, quand on constate que l’on est distrait, on devra ramener patiemment l’esprit sur la posture ou la respiration, sans essayer de « faire le vide ».
Avec un peu de pratique, nous pourrons nous-mêmes corroborer assez rapidement les bienfaits et les fruits de la méditation et renforcer notre confiance dans ces merveilleux enseignements. Certains ouvrages sur la méditation éclairent aussi bien les premiers pas sur cette voie que les étapes plus avancées de la pratique, avec les pièges à éviter, les obstacles à surmonter et, comme dans Calme et Clair, les caractéristiques de la vue profonde. Ce livre peut accompagner et guider notre pratique pendant des années; c’est un outil précieux dont nous découvrons toute la profondeur et l’importance au fil de l’éveil qu’il aura favorisé.
L’ultime avoir
Comme, dans le bouddhisme, philosophie et pratique sont indissociables, les ouvrages comme ceux du Dalaï Lama ou de Lama Mipham nous dévoilent l’essence du bouddhisme, que la méditation de la vue permettra de vivre et de réaliser dans toute sa plénitude.
Tant que l’on pense que le bonheur se trouve à l’extérieur, dans la possession de diverses choses ou le contrôle d’autres personnes, nous avons peu de chances de le trouver; nous le poursuivrons toujours à l’extérieur et nous chercherons en dehors de nous des coupables pour nos malheurs. Nous n’avons rien contre le bonheur, certes, mais encore faut-il prendre un moyen qui peut nous le procurer. Les choses extérieures peuvent contribuer temporairement au bonheur, mais elles n’en sont pas la cause profonde. La cause principale du bonheur est dans « l’entraînement de l’esprit », dont la porte d’accès est la méditation. Rappelons-nous ces paroles très justes de Raôul Duguay, dans sa chanson Le Voyage : « Être au pouvoir de soi est l’ultime avoir ».