À fleur de peau

Je ne suis pas massothérapeute ni même titulaire d’un diplôme universitaire dans le domaine de la santé. Je ne prétends pas non plus posséder les connaissances nécessaires pour pratiquer le toucher thérapeutique, sinon qu’au moment opportun, je me situe dans le cœur.

Simple bénévole depuis 10 ans au centre de soins palliatifs La maison Mathieu-Froment-Savoie, j’ai fréquemment utilisé le toucher pour réconforter un résident ou un membre de sa famille qui me faisait des confidences. Le plus souvent, je garde le silence. Une main sur le bras ou sur l’épaule établit le contact et signifie que je suis là et que j’écoute. C’est aussi l’occasion de vivre le moment présent et de centrer son énergie en communion avec l’Autre. Dans ces moments où la vie ne tient plus qu’à un fil, où la douleur de ne plus voir l’être cher est imminente, la chaleur humaine est réconfortante de part et d’autre.

Pourquoi suis-je devenue bénévole dans le domaine des soins palliatifs?

J’ai eu le privilège d’accompagner mon jeune frère de 42 ans, homme d’affaires prospère atteint d’un cancer, plus précisément d’un lymphome non hodgkinien. Lorsqu’il m’a fait part de la mauvaise nouvelle au téléphone – je m’en souviendrai toujours – , j’ai été touchée droit au cœur. L’horloge s’est soudainement arrêtée; il avait amplement de temps libre.

Malgré son état de santé chancelant, nous avons vécu ensemble plus de trois belles années, au cours desquelles les confidences coulaient à flots et le toucher, autrefois à peine perceptible, trouvait instinctivement sa place. Dans les moments où l’oncologue posait un nouveau diagnostic, on aurait pu entendre voler une mouche; nos regards se croisaient, nos mains se rejoignaient comme si nous voulions nous accrocher à une bouée de sauvetage.

Après l’autogreffe de moelle osseuse et de multiples traitements expérimentaux au service de la science, pendant les six derniers mois de sa vie, j’ai senti l’odeur de la mort, même si, par son discours, il lui tournait le dos. J’aurais voulu lui faire part de mon chagrin, mais j’étais là, silencieuse à ses côtés, la main sur son bras, tentant peut-être de retarder son départ, ne serait-ce que de quelques mois. J’avais encore des choses à lui dire. La gorge nouée par la peine, je me suis moulée à son rythme. Cet homme-là, c’était mon frère, et il voulait vivre! Il caressait encore des projets en ébénisterie.

Faisant la navette entre Montréal et Gatineau de façon sporadique, de retour à mon domicile, mon amoureux m’attendait sur le seuil de la porte. Il me ramassait, comme on dit « à la petite cuillère ». Il m’écoutait et me serrait dans ses bras, et là, les larmes pouvaient enfin couler à flots.

Cinq ans plus tard, j’ai entendu une annonce à la radio. On recrutait des bénévoles à La maison Mathieu-Froment-Savoie. J’ai répondu d’emblée à l’appel, un peu fébrile à l’idée de croiser, au bout d’un couloir, un beau barbu à l’allure de mon frère. J’ai été emballée par la formation chevronnée offerte aux préposés aux soins bénévoles, si bien que je l’ai suivie trois années d’affilée. J’ai également pu faire la boucle sur mon deuil et saisir la place importante que j’ai occupée auprès d’un être cher en fin de vie. Ces personnes ont besoin de nous.

La maison Mathieu-Froment-Savoie a un grand besoin de bénévoles, non seulement au chevet des malades, mais dans tous les domaines.

Pour vous joindre à notre équipe, communiquez avec la coordonnatrice des bénévoles, France Côté, au 819 770-3900 ou benevoles@qc.aira.com.

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