À la croisée des chemins

À l’image de l’annonce de l’éditeur de la revue Cheminement, Denis Manseau, qui nous communiquait que la revue était arrivée à la croisée des chemins, il m’est arrivé à un moment dans ma vie où je suis, moi aussi, arrivé à la croisée des chemins.

Après 40 ans sur le marché du travail, je voyais arriver la journée enchante­resse du 7 juillet 2016, date à laquelle mon statut changerait à tout jamais. J’ai décidé de réfléchir sérieusement à la question de mon départ à la retraite en m’engageant dans une démarche de réflexion, d’intériorisation et de grands silences d’une durée de 18 jours. Je me suis inscrit auprès de l’organisme Le Chemin des Sanctuaires : Montréal/Sainte-Anne-de-Beaupré qui propo­sait de vivre une expérience de communication avec soi et avec les autres au moyen d’une très longue marche de 400 km. Ce chemin trouve son origine dans celui des pèlerins du Moyen Âge qui traversaient à pied la France et l’Espagne pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle.

L’expression « à la croisée des chemins » fait référence à une étape de choix, à un moment où on doit prendre une décision. Et ce n’est pas toujours facile à vivre. Ainsi, la revue Cheminement a pris la grande décision de se séparer du papier. De mon côté, la grande question était de savoir quand serait le bon moment d’entreprendre la métamorphose et de passer d’état de chenille à celui de papillon : rester au travail plus longtemps pour se mériter un plus gros revenu de pension ou non? Choix déchirant quand on se voit rampant au sol au lieu de voltiger librement dans les airs.

J’ai donc vécu physiquement « la croisée des chemins » de campagne, la croisée de rues de villes, d’avenues et de boulevards, des centaines de fois, à Montréal, à Saint-Ours, à Odanak, au Cap-de-la-Madeleine, à Champlain, à Brise-Culotte, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, à Cap-Santé, à Donnacona, à Québec, à Chute-Montmorency, à Sault à la Puce et à Saint-Anne-de-Beaupré, entre autres.

Je crois que le Québec est arrivé à la croisée des chemins lors de son adolescence et qu’il a fait sa révolution tranquille en jetant le bébé avec l’eau du bain. Exit la religion et l’oppression. Actuellement, notre jeunesse fait face à un grand vide de sens, puisque la première cause de décès de notre jeunesse, donc de notre avenir, est le suicide. Mais faisons-nous la distinction entre la religion et la spiritualité?

D’autre part, un phénomène est en croissance fulgurante : les mar­cheurs vers Compostelle. En 1972, seulement 300 personnes arrivaient à Compostelle. En 2016, c’étaient plus de 300 000! En m’inscrivant aux études doctorales à l’Université du Québec en Outaouais, j’ai voulu démontrer que les Québécois, au prorata, sont ceux qui vont en plus grand nombre vivre l’expérience de pèlerinage spirituel sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle (et sur la multitude de nouveaux chemins de ce type ici même au Québec). Et je crois que cela est en partie dû à l’important héritage spirituel des personnes des Premières Nations dont nous sommes partiellement descendants. 

J’ai éventuellement marché sur tout le territoire du Québec, d’ouest en est, de Gatineau à Percé et de Kingston à Montréal, ce qui fait que j’ai eu le bonheur de longer les 1 600 kilomètres de notre majestueux fleuve Magtogoek (« le chemin qui marche » en langue Micmac), ensuite renommé Saint-Laurent. 

En 2018, j’ai marché de Paris à Compostelle afin de célébrer ma nouvelle liberté de retraité et rendre grâce à la vie en parcourant un chemin de gratitude. Je tenais à vivre ce dépassement de soi, également pour honorer le fait que je suis cons­cient de faire partie des personnes les plus privilégiées de notre planète bleue, des personnes qui, comme moi, sont en santé, physiquement, financièrement et qui jouissent de LIBERTÉ. Longue vie au Cheminement, source de mieux-être, sous toutes ses formes. Et que nos routes se croisent!

Merci, Guy Corneau! « C’est fou tout le bien que cet homme a fait. »

L’homme qui mordait dans la vie comme nul autre, ce communicateur exceptionnel et charismatique, cet homme de théâtre et conférencier de renommée internationale, Guy Corneau, est décédé le 5 janvier d’une cardiomyopathie fulminante. Après le décès au Mexique de sa sœur Joanne, la peintre Corno, il a ramené ses cendres à Chicoutimi, puis le cœur de Guy a cessé de battre.

Guy Corneau a influé sur les hommes du Québec comme Janette Bertrand, sur les femmes. Ils ont tous les deux, et parfois en complicité lors des mêmes émissions de télévision, permis d’élever le niveau de cons­cience des hommes et des femmes du Québec.

Le premier livre de Guy, publié en 1989, Père manquant, fils manqué, abordait de front des sujets tabous : pourquoi autant d’hommes étaient incapables d’exprimer leurs émotions, fuyaient l’intimité, souffraient, abandonnaient leurs études, décrochaient, se suicidaient? Au moyen de ce livre choc, il venait de rompre un lourd silence et répondait avec clarté et finesse à ces questions fondamentales. Il a enfin mis des mots sur les sentiments qui habitaient les hommes. Vingt-cinq ans après sa parution, ce best-seller international demeure profondément actuel et constitue la meilleure référence à ce jour sur la paternité et l’identité masculine. Il n’est pas étonnant qu’au lendemain de sa mort, tous les livres de Guy à la librairie du Soleil s’étaient envolés.

S’il y a quelqu’un qui nous encoura­geait à nous exprimer et à sortir de notre zone de confort, c’était bien Guy Corneau. Afin de connaître un mieux-être optimal de longue durée, Guy a créé en 1992 un groupe de cheminement et de parole, le Réseau Hommes Québec (RHQ), ainsi que le Réseau Femmes Québec. À la manière des groupes pour alco­oliques anonymes, les participants d’un groupe du RHQ ont une occasion exceptionnelle de partager leurs rêves, leurs peurs ou leur vie quotidienne, le groupe devenant ainsi un espace de soutien, un lieu de fraternité et de développement et créant une autre façon de vivre sa vie d’homme dans un nouveau rayonnement avec soi et ses proches.

Peut-être qu’un des livres de Guy Corneau vous a touché : La guérison du cœur, Le meilleur de soi ou encore Revivre, qu’il a rédigé après s’être relevé d’un cancer de stade IV l’ayant atteint à la rate, à l’estomac et aux poumons. Il était à l’article de la mort, et le corps médical ne s’explique pas qu’il soit revenu de si loin. Quelques années plustard, en 2015, le Salon du livre de l’Outaouais l’a choisi comme président d’honneur.

J’ai découvert Guy en allant assis­ter à une assemblée générale annuelle du CLSC de Gatineau au cours de laquelle il a prononcé une conférence. Par la suite, j’ai eu le bonheur et le privilège de devenir l’organisateur de près d’une dizaine de ses conférences à Gatineau entre 1996 et 2012. Ainsi, des milliers de personnes ont pu bénéficier de la sagesse de ses propos et de l’éclairage de cet homme d’exception.

Guy Corneau a créé le Réseau Hommes Québec et le Réseau Femmes Québec dans le but de donner aux hommes et aux femmes du Québec des occasions de parole et d’écoute, d’apprentissage et de croissance, d’entraide et de soutien, de réflexion et d’action qui influencent positivement leur bien-être physique, psychologique, émotionnel et spirituel.