La danse divine des énergies féminine et masculine

Notre monde contemporain est à un point tournant très important dans son développement, un point qui implique une transformation radicale de la relation établie entre le féminin et le masculin. Depuis plus de deux millénaires, nous vivons selon un ethos sociétal où « le masculin l’emporte » et « le féminin subit » . Mais cela est loin d’être la relation saine et naturelle entre ces deux énergies. Cet état relationnel de domination / soumission permet de voir à quel point nous nous sommes installés dans la tête et le raisonnement intellectuel au détriment d’être centré dans la poitrine et la résonance du cœur. 

Le choix de raisonner au lieu de résonner, de laisser l’intellect diriger et gérer la vie selon un ethos de domination et de manipulation a permis un développement incroyablement puissant quant à la matière. Ce développement, sans ancrage dans le Cœur Conscient et ayant des conséquences désastreuses pour l’environnement, en est arrivé à un point tournant que la société ne peut plus ignorer. Attendu depuis longtemps, ce moment charnière nous mènera soit vers la destruction, soit vers une nouvelle forme d’expansion au service de la vie. Quoique l’enjeu soit sociétal, le choix de cheminer vers une nouvelle façon d’être et d’agir ensemble se fait en premier lieu à l’intérieur de nous-mêmes. 

La relation présente entre nos énergies féminine et masculine, non seulement sur le plan sociétal, mais aussi sur les plans intrapersonnel et interpersonnel, découle de grandes blessures portées autant par le féminin sacré que le masculin sacré. Lorsque ces grandes blessures reçoivent guérison, la danse divine entre les énergies féminine et masculine peut reprendre sa forme véritable et enfin, tête et cœur, intellect et émotion, pensée et intuition peuvent redevenir des alliés et mutuellement s’épauler. 

La plupart d’entre nous n’avons jamais vu cette danse divine à l’œuvre, étant plutôt en interaction avec les blessures que portent ces deux énergies : la blessure du féminin sacré est reliée à se sentir indigne de prendre sa pleine expansion et celle du masculin sacré, d’être impuissant et en danger d’anéantissement. Ces blessures ont tendance à soit mener à une tentative de rétrécir et subir sa vie, soit, à l’autre extrême, de contrôler et de surdiriger sa vie. Ainsi, le féminin sacré blessé aura tendance à tenter de se soumettre entièrement ou, au contraire, à être une force dominante et contrôlante. Le masculin sacré blessé, lui, tentera de se faire plus petit et soumis ou, au contraire,
cherchera à dominer et à contrôler pour éviter de se sentir faible et impuissant. 

Or, la vraie relation entre ces pola­rités est une danse divine de toute beauté. Le féminin sacré est pure énergie de vie, sans forme, sauvage, ouverte et toujours en processus de prendre plus d’expansion. Le masculin sacré, quant à lui, est l’ordre et la structuration, il crée le contenant permettant à cette énergie féminine d’avoir une base solide pour pleinement s’épanouir. La danse divine entre ces deux polarités du sacré est d’une splendeur et d’une puissance que nous voyons rarement dans nos sociétés actuelles, car cette relation a été inversée : la structure est au service de la matière plutôt que de l’énergie de vie. 

Un masculin sacré guéri n’a plus peur de l’impuissance. Il est en acceptation totale d’être anéanti à chaque fois que le féminin sacré veut s’amplifier car il sait que son rôle est de créer des structures toujours plus aptes à tenir et à épanouir – et non contraindre et écraser – cette énergie sauvage de la vie. Un féminin sacré guéri n’a plus honte de vouloir prendre plus de place, car elle sait que le masculin sacré la soutient et lui donne une structure qu’elle peut remplir de toute son énergie expansive et ainsi donner vie et remplir le masculin.  Il est grand temps de guérir la relation entre ces deux énergies. Or, cette guérison commence en chacun de nous. Prenez le temps de contempler l’état de la relation entre le féminin et le masculin sacrés en vous; guérir leurs blessures et retrouver leur danse divine est l’œuvre la plus importante de notre temps.

Les ficelles de la manipulation

Les systèmes de fonctionnement de manipulateur et de manipulé prennent leur source, comme tous les autres systèmes, dans le besoin d’être aimé et reconnu. Le manipulateur est un charmeur, celui qui se met au service des autres et qui va au-devant de leurs besoins dans le but de les rendre redevables et d’obtenir ce qu’il veut. C’est un système des plus aliénants parce qu’il prive l’être de sa liberté. Le manipulateur a un tel besoin d’amour et d’attention qu’il projette ce besoin sur l’autre en lui prodiguant une attention soutenue qui emprisonne ce dernier. Il se rend indispensable aux autres de façon à créer une dépendance qui lui assure la fidélité inconditionnelle de ceux qu’il a choisi d’aimer. Il attend de la reconnaissance, de l’amour et de l’acceptation parce qu’il donne beaucoup dans le but intéressé de recevoir quelque chose de précis. Et c’est ainsi que s’entretiennent les fonctionnements complémentaires du manipulateur et du manipulé. Quand il veut quelque chose, le premier donne pour atteindre son but et s’assurer l’amour de l’autre, lequel se laisse manipuler et accepte tout parce qu’il se croit aimé et redeva­ble. « Je te donne tout, tu me dois tout »; « Je ne peux pas te refuser ça, tu es tellement bon pour moi ». Ils dépendent ainsi l’un de l’autre pour répondre à leur besoin pressant d’être aimé.

Mais leur relation, si belle soit-elle en apparence, finit toujours par se ternir lorsqu’une lutte intérieure s’engage entre leur soif d’amour et leur goût de liberté. Prisonnier de ses propres pièges, le manipulateur est tiraillé entre son besoin de l’autre et son besoin d’espace. Il veut être entièrement libre sans respecter la liberté de ceux qu’il aime. Aussi ne supporte-t-il pas leurs limites et n’a-t-il aucune considération pour leur territoire. C’est souvent un envahisseur qui se donne des droits sur les autres sous prétexte que sa générosité lui en donne le pouvoir. Le manipulateur procède d’une façon très subtile. Pour comprendre son fonctionnement et son mode de comportement, prenons l’exemple vécu de Rose. Elle était directrice d’une école secondaire et avait 38 ans quand elle est venue me consulter, non pas en tant que thérapeute, mais en tant que pédagogue. Elle voulait que je lui donne des moyens de rendre ses professeurs plus attachés à l’école et plus motivés dans leur travail. Il m’était impossible de m’adresser à Rose en dissociant en moi la pédagogue de la thérapeute. Je suis d’ailleurs profondément convaincue qu’un bon pédagogue a aussi, quelque part,une âme de thérapeute. J’ai donc compris, en écoutant Rose, qu’elle n’était pas satisfaite de sa propre relation avec certains professeurs parce qu’ils ne répondaient pas à ses attentes. On voit ici une caractéristique du manipulateur : il a envers les autres des attentes bien précises et il supporte difficilement que ces dernières ne soient pas satisfaites. Aussi, dans ce cas, redouble-t-il d’attention et de générosité tout en étant subtilement incitatif dans ses exigences. Ainsi, pour s’assurer que « ses » professeurs répondent à ce qu’elle attendait d’eux, Rose était très généreuse, très disponible et ne manquait jamais une occasion de les complimenter.

Le compliment est un des arguments les plus forts du manipulateur. Comme l’être humain a besoin d’être reconnu et valorisé, il est évident que le compliment répond parfaitement à ce besoin. C’est pourquoi l’homme se sent généralement si redevable envers ceux qui le reconnaissent. Évidemment, il n’y a rien de répréhensible à être généreux, serviable et à valoriser quelqu’un, bien au contraire. Le problème chez le manipulateur, c’est qu’il utilise l’éloge et le service pour mettre l’autre au service de ses besoins. Il n’agit jamais gratuitement. Il ne pense pas nécessairement ce qu’il dit. L’important pour lui n’est pas d’être sincère, mais d’obtenir ce qu’il veut coûte que coûte. Aussi le compliment n’est-il pas une reconnaissance de l’autre, mais un moyen systématique dont il se sert, souvent inconsciemment, pour servir ses intérêts.

À ce moyen, il ajoute parfois l’offrande de cadeaux, de faveurs et de son temps. Comme il n’est pas entièrement conscient des motifs de son fonctionnement, il ne comprend pas, comme ce fut le cas de Rose, que les gens qu’il « sert » ne lui vouent pas une reconnaissance éternelle. Rose traitait ses professeurs d’ingrats et se disait victime d’une injustice inacceptable. Prise émotivement dans son système, elle était incapable de voir sa part de responsabilité dans ce qui lui arrivait. En fait, les professeurs qui avaient réagi dans le sens de ses attentes au cours des premières années de son mandat avaient progressivement changé leur attitude pour devenir plus ou moins indifférents aux générosités de leur directrice. Ils en profitaient sans ressentir le besoin de lui rendre la pareille. Impuissante devant leur comportement, elle cherchait désespérément d’autres moyens de se les approprier. Sa démarche auprès de moi, au lieu de lui fournir des moyens, lui a fait découvrir son mode de comportement.

Il est évident que le manipulateur s’associe, sur les plans personnel et professionnel, à des manipulés, c’est-à-dire à des êtres qui, pour satisfaire leur besoin d’amour et de reconnaissance, trouvent une satisfaction à se sentir importants aux yeux de quelqu’un qui leur donne de l’importance. Le manipulé, qui a une soif insatiable d’être aimé, sera reconnaissant envers celui qui lui accorde de l’attention. Il acceptera même d’être utilisé pour ne pas perdre son amour. Il se niera, s’écrasera, se taira parce qu’il est souvent marqué, comme le manipulateur, d’un complexe d’abandon et d’un manque profond d’amour de lui-même.