Naître dans la trinité

Dans la vie, il y a des moments où nous nous sentons enfermés dans des situations répétitives, connues, dont nous avons fait le tour.  Ces périodes peuvent nous donner la force et le courage de changer, d’aller vers le nouveau.  Elles nous rappellent en fait la période où, dans le ventre de notre mère, nous commencions à nous sentir à l’étroit, à manquer de place et à avoir envie d’aller visiter un autre monde, le monde du dehors.  À ce stade de la grossesse, le bébé doit alors prendre la décision de changer d’endroit et ce choix va l’amener à une épreuve initiatique.

Le passage dans le « couloir du ventre » de la mère va constituer une véritable expérience pour le corps et l’esprit de l’enfant.  Les contractions de l’utérus sont des forces qui dépassent la mère.  Toute femme qui a eu la chance d’accoucher sait que ce qui se passe en elle, relève de l’expérience intime avec les forces de l’univers, comme si les contractions utérines n’étaient que le reflet des mouvements de la Terre Mère, profonds, puissants et rythmés.

Au travers des contractions utérines, l’enfant perçoit sa mère comme une entité divine qui est pour lui un guide, un canal de cette force cosmique.  Lorsque le col se dilate, le passage n’est cependant pas suffisant, sauf dans de rares cas, pour que le bébé glisse tout seul.  La mère vit alors le paradoxe de retenir-expulser et l’enfant, face à cette dualité que lui renvoie sa mère, sait qu’il doit mourir à cette conscience divine, abandonner sa mère pour naître par lui-même.  Tout comme le disciple doit quitter et dépasser le maître pour mûrir au-delà des maîtres.  Dès le début, nous devons accepter d’être l’initiateur de notre vie, compter sur nous-mêmes et nous engager.

La loi de l’engagement est la première épreuve de cette initiation.  Les deux autres sont les lois de l’endurance et de la foi.  La façon dont le bébé ressent ces trois phases dans le couloir du ventre va laisser une empreinte sur sa manière de vivre les changements.

La première nécessité pour aller au bout de quelque chose est de s’engager sur le chemin.  Pour le fœtus, cela signifie se mettre en route.  S’engager signifie participer, décider, faire le choix de se laisser porter par les contractions, se laisser porter par ce qui nous entoure, saisir les occasions qui se présentent sans attendre de savoir si l’on est vraiment prêt pour cela.  Une fois le premier pas franchi, le fœtus se confronte à l’endurance, avoir la force et la patience d’accepter le rythme des contractions, économiser son énergie en se laissant aller dans le sens du courant.  Tout cela est bien sûr facilité lorsque la foi est là, lorsque l’on sait qu’au bout il y a quelque chose de nouveau et d’attirant.  Pour aller vers l’inconnu, la confiance nécessaire se trouve dans la certitude de notre puissance intérieure.

Lorsque l’enfant arrive au niveau du périnée, il vit une sorte d’aspiration enivrante qui déclenche le cri primal, tel un souffle soudain et violent qui déploie ses poumons et met en place la respiration aérienne.  En prenant ainsi pouvoir sur le monde extérieur, l’enfant perçoit très bien le sentiment d’abandon de la relation fusionnelle qui le liait à l’Amour infini, et cette rencontre avec le « non-amour » peut être vécue comme une séparation brutale et ressentie dans une grande solitude.  On sait qu’il est primordial que la coupure du cordon ombilical se fasse 10 à 20 minutes après l’expulsion pour que cette sensation soit atténuée et que les mémoires d’abandon soient diluées.  Poser l’enfant sur la peau de la mère permet de vivre cette transition en douceur pour transcender cette séparation initiale.

Si cette phase est vécue dans un ressenti de rupture, l’enfant va installer un système de filtre inconscient qui l’éloigne du monde invisible, monde des sensations, monde de l’Amour infini, duquel il s’est senti exclu.  Les croyances et programmations mises en place pour l’empêcher de souffrir face à cette mémoire, vont en fait le rendre esclave d’une personnalité qui orientera sa vie vers la recherche fusionnelle avec l’autre au travers du sexe, des drogues, des médicaments ou du travail.  Ce conflit de séparation ou d’abandon peut être vécu psychologiquement par une sensation de solitude, de relation superficielle avec une difficulté à aller dans la profondeur, dans l’intimité de l’être.  II peut aussi se vivre au niveau biologique, au niveau du corps sous forme d’allergies ou de problèmes de peau, la peau étant le premier contact avec le monde extérieur.

Je ne me souviens pas d’être née selon ce processus initiatique.  Mais mes cellules en ont la mémoire.  L’extérieur reflétant l’intérieur, ce qui se passe dans ma vie en période de changement est un reflet de comment j’ai pu vivre pendant ma naissance ces trois lois initiatiques.  Chacun peut revivre ce rituel de naissance d’une manière symbolique, par des visualisations, en allant dans le ressenti du corps pour ancrer en lui les phases qui n’ont pu être vécues au moment adéquat.  Il est ainsi possible de transformer les mémoires de l’anesthésie, de la césarienne, des forceps, et autres souffrances qui ont accompagné tant d’accouchements.

Visualiser qu’à notre naissance, trois rois mages sont venus nous offrir ces présents essentiels que sont l’engagement, la persévérance et la foi.

Et comme l’extérieur révèle l’intérieur, ne soyez pas surpris qu’ils soient à votre porte pour accueillir ce nouvel an.

Le négatif d’être positif

On dit souvent qu’il faut être positif dans la vie et voir le bon côté des choses. Pourtant, à la suite d’une séance privée de techniques de respiration neurologique, une patiente me confiait qu’elle avait réalisé que dire des choses négatives lui avait fait le plus grand bien. En exprimant des choses négatives mais vraies, elle était libérée de la pression d’être parfaite. Quel soulagement! On oublie souvent d’admettre où nous sommes, hélas!…

C’est en prenant conscience, en reconnaissant et en acceptant ce qui se passe en ce moment que nous bâtissons une fondation solide pour avancer dans la vie. Nous avons le droit de dire les vraies choses sans embellir ni déformer la réalité.

Prendre conscience
Nous ne pouvons pas résoudre un problème dont nous ne sommes pas conscients. En voulant être positif, nous passons à côté de ce qui se passe réellement. Il ne s’agit même pas d’être positif ou négatif dans la vie, mais bien d’être réaliste. Il y a la réalité psychologique que nous nous créons, et il y a la réalité qui est indépendante de notre perception du moment et de ce que nous voudrions voir.

Voici comment j’en fais prendre conscience à mes patients.

Isabelle est étendue sur le ventre. Je vois qu’elle respire bien dans le bas du dos et dans le haut du dos, mais pas au milieu (entre les omoplates). Malheureusement, elle n’en est pas consciente et, qui plus est, elle croit que tout va bien. Je place ma main à l’endroit où la respiration n’est pas adéquate et demande à Isabelle d’inspirer sous ma main pour qu’elle en prenne conscience. Tout bouge — bassin, hanches, bas du dos, haut du dos — sauf la zone qui nous intéresse. Je lui demande donc de n’inspirer qu’à cet endroit, nulle part ailleurs. Encore une fois, elle en est incapable, même si elle essaie de toutes ses forces. Sauf que, cette fois, elle en prend conscience.

Reconnaître
Nous avons le droit d’être imparfaits. Connaître ses faiblesses est une grande qualité. Cela n’est pas négatif mais réaliste. Une preuve de puissance intérieure est d’être vulnérable sans que cette vulnérabilité ne cause d’inconfort. Pour cela, il faut reconnaître où nous sommes.

Isabelle n’était pas encore prête à reconnaître qu’elle était faillible. Je lui demande donc de dire la phrase : « Ici, ça ne respire pas » et d’inspirer. Elle s’exécute à contrecœur et, comme par magie, la respiration devient tout à coup harmonieuse dans le milieu de son dos.

Cependant, le mental est puissant. Isabelle me dit que cette phrase est négative et que ce n’est pas vrai : elle est capable d’accomplir tout ce qu’elle désire. D’accord. Cette fois, je lui demande de dire la phrase : « Ici, ça respire très bien » et d’inspirer. Rien ne bouge. C’est à cet instant qu’un déclic se fait dans son esprit. Elle reconnaît à ce moment-là qu’elle n’est pas parfaite et que son corps peut agir ou non indé­pendamment de son positivisme.

Accepter
C’est à cette étape que l’on accepte la situation telle qu’elle est. Pas comme on voudrait qu’elle soit. Dans l’acceptation, nous devenons réalistes. Nous réalisons à quel point nous avons tenté d’éviter la douleur ou la souffrance en déformant la réalité. Nous ne nous jetons plus de poudre aux yeux pour ne pas voir.

Isabelle accepte donc qu’elle est imparfaite et qu’elle a le droit de l’être. Un poids de moins sur ses épaules. Puis, elle inspire une dernière fois dans le milieu de son dos en disant et en acceptant la phrase : « Ici, ça ne respire pas ». Son corps se met à respirer de façon uniforme dans tout son dos. Comme s’il disait : « Enfin, Isabelle m’a compris. »

En terminant, c’est en prenant conscience, en reconnaissant et en acceptant réellement où nous sommes en ce moment que nous construisons une fondation solide pour avancer. Bonne route!