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Le Tantra de Jung :  l’exploration symbolique de l’âme 

« Votre vision ne deviendra claire que lorsque vous regarderez dans votre cœur. Qui regarde au dehors, rêve. Qui regarde en soi, s’éveille ».
Carl G. Jung

Issus de cultures et d’époques très éloignées, le Tantra indien et la psychologie analytique jungienne livrent un message d’une étonnante similitude. Ces deux voies de connaissance nous rappellent que l’épanouissement psychospirituel est une aventure nécessaire mais paradoxale, hautement symbolique, qui exige curiosité, courage… et une capacité quasi apnéique à explorer les profondeurs de l’âme.

Les travaux visionnaires du psycha­nalyste Carl Jung (1875-1961) ont marqué la pensée occidentale. Son exploration de l’âme humaine (la psyché) l’a conduit à formuler un certain nombre d’hypothèses capitales, fruit d’une démarche rigoureuse et empirique. Pensons aux notions de synchronicité, d’archétype ou d’inconscient collectif, passées depuis dans le langage courant. À une époque où le matérialisme scientifique dominait les esprits, l’œuvre révolutionnaire de Jung élucidait la réalité de la psyché, invitant chacun à s’engager dans la grande aventure de la connaissance de soi. Selon Jung, se connaître, c’est accepter le dialogue déstabilisant avec l’inconscient afin de favoriser l’individuation, le processus de maturation psychique qui permet  de devenir pleinement soi-même.

L’œuvre de Jung, empreinte d’anthropologie, d’alchimie et de religion, est l’écho moderne d’une quête archétypale et universelle : l’exploration de la conscience. Depuis l’aube des temps, l’homme cherche en effet à pénétrer le mystère de son existence. Pourquoi vivons-nous? Qui sommes-nous réellement? Comment échapper à la souffrance et accéder à un bonheur authentique? Les réponses à ces questions, c’est éventuellement en lui-même que l’homme s’est résolu à les chercher, désillusionné par l’impermanence et l’inconstance du monde. Par cet acte radical de conversion, c’est-à-dire de retour à son intériorité, l’homme s’est ouvert à la possibilité de résoudre l’énigme de son existence.

Jung est ce que la tradition tantrique appelle un Rishi, un être éveillé aux vérités subtiles de la vie. Dans l’Inde ancestrale, les Rishis consacraient déjà leur existence à l’exploration de la psyché, recourant à des disciplines aussi variées qu’intenses. Cette vie ascétique générait en eux une énergie grandissante et purificatrice qui, tel un feu intérieur, symbolisait l’attisement de la nature réelle de l’homme.

Les disciplines ésotériques regroupées sous l’appellation de Tantra imprègnent la culture indienne depuis des millénaires. Étymo­lo­giquement, la fonction du Tantra est de libérer et d’élargir la conscience humaine. Dans l’univers tantrique, l’adepte doit ainsi s’affranchir de ses conditionnements et actualiser sa nature véritable. Le problème fondamental qui afflige l’homme est l’ignorance (avidya). Cette ignorance­ n’est pas d’ordre intellectuel mais ontologique : hypnotisé par le monde des apparences, l’homme souffre d’aliénation et oublie son  essence. Cette ignorance le con­damne à recher­cher vainement le bonheur dans les possessions, les relations ou les honneurs, alors qu’ironiquement le trésor qu’il convoite est enfoui au cœur de  sa psyché.

Tout comme la psychologie des profondeurs jungienne, le Tantra est une voie d’exploration de l’âme qui cherche à en révéler les potentialités latentes. L’ascèse tantrique (sadhana)­ permet d’instaurer une relation dynamique avec la source de vitalité et de conscience, le Soi authentique.

Selon Jung, la connaissance de soi nécessite d’entendre la voix de l’inconscient, dont le langage est éminemment symbolique, prélogique et archaïque : il se manifeste ainsi dans nos rêves, nos élans créatifs, les synchronicités ou les symptômes qui nous agitent. Devenir pleinement­ soi-même, c’est s’engager dans l’alchimie des émotions, intégrer sa part d’ombre et se réapproprier les énergies de peur, de résistance et  de chaos qui nous tyrannisent.

L’adepte tantrique ne rejette rien lui non plus, car ultimement tout est l’expression d’une seule et même énergie divine. Il convient non pas de réprimer, mais d’accueillir et d’intégrer le matériel psychique. Le Tantrika crée donc lui aussi une relation avec les forces archétypales de la psyché, symbolisées par la pléthore de divinités hindoues. Il utilise pour ce faire des techniques souvent déroutantes pour le non-initié : méditations, rituels, récitation de formules mystiques (mantras), contemplation de structures géométriques sacrées (yantras)…

Le Tantra indien et la psychologie jungienne proposent ainsi une vision d’une fascinante parenté, qui éclaire le chemin difficile mais nécessaire que l’homme doit parcourir vers la découverte de son âme : celui de la voie symbolique et du dialogue avec notre intériorité.

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