Les enfants sont maintenant différents. Je les nomme les nouveaux humains. Ils sont intuitifs. Ils appréhendent le monde différemment. Ils ont besoin de beaucoup d’amour. Ils veulent être respectés et connaître le pourquoi de nos demandes et exigences.
Ils sont très sensibles, ils ressentent les émotions des personnes qui les entourent. Les plus âgés ont une vision de ce que devrait être notre monde, si différent de ce qu’ils observent autour d’eux qu’ils sont souvent incapables de s’adapter à l’école d’abord et au monde du travail ensuite. Ils ont besoin d’être traités en êtres humains évolués.
Notre monde est en grande mutation. Comment peut-on le mieux aider nos enfants à vivre les grands bouleversements que nous observons déjà? Je vous convie à une petite réflexion bien humaine sur l’éducation de nos enfants.
L’enfant naît, on le traite comme un roi. Qu’il est beau ce bébé! Notre bébé est toujours le plus beau n’est-ce pas? Et c’est très bien comme ça. C’est l’amour inconditionnel des parents et de la famille immédiate qui se manifeste. Puis nous le couvrons beaucoup de soins. Nous le protégeons pour qu’il ne se blesse pas. Nous le nourrissons avec ce qu’il y a de mieux pour lui. Il nous fait souvent passer des nuits blanches, il pleure, c’est sa façon de communiquer. Malgré la fatigue, les parents ne le contraignent pas. Puis il commence à être autonome. Il sourit, il bouge, il rampe, il se tourne et voilà qu’il commence à se lever et un jour à marcher. Il fait des sons et à un moment les mots viennent. Quelle merveille! Pendant tout ce temps, nous l’observons et nous respectons son rythme d’apprentissage. Nous ne le forçons jamais à faire avant le temps les prouesses que nous souhaiterions qu’il fasse. Il a rampé quand il a été prêt et il a marché de la même façon. Nous l’avons soutenu et motivé. Nous l’avons placé en situation d’apprentissage. Nous l’avons aimé dans ses essais et dans ses incapacités momentanées. Nous avons été témoins de ses hésitations aussi bien que de ses prouesses. Nous le respectons. Nous l’éduquons en accord avec sa personnalité. Jusqu’ici, il n’y a pas de norme, d’obligation d’apprendre, ni de programme obligatoire à suivre, il a pourtant, par le jeu, appréhendé les fondements de la vie humaine.
Puis c’est l’entrée à l’école. Pour les grands, il doit être contraint à apprendre. Son rythme d’apprentissage, ses capacités et ses goûts n’ont plus d’importance. Les grands ont décidé, de la hauteur de leur science, que l’enfant devait se conduire comme un adulte. Il doit passer des heures sur une chaise dans une classe avec de nombreux autres jeunes de son âge. Il doit apprendre ce qu’on a décidé qu’il devait apprendre. On n’a pas demandé au jeune ce qu’il en pensait ni comment il se sentait dans cette situation. Il doit se plier aux normes et s’il en est incapable il est vite pris à part et on trouve un remède à cette « anormalité », c’est alors la médication et les services spéciaux. Le but, le faire entrer dans la « norme ».
Que se passe-t-il dans nos têtes d’adultes pour accepter que notre enfant devienne ainsi l’objet d’un système qui, au lieu de l’aider à développer ses dons, ses habiletés, sa personnalité, ses goûts et ses aptitudes, le place en observation constante et en étude de sa performance en regard de normes arbitraires.
Nous sommes très sévères pour nos jeunes. Nous prétendons qu’ils sont paresseux, qu’ils sont des enfants rois à qui on a tout donné et qui ne savent pas qu’il faut se sacrifier, faire des efforts et travailler pour réussir dans la vie.
On fait de l’instruction. L’éducation, la partie humaine, a été laissée de côté. On accepte que nos enfants entrent, dès l’âge de 6 ans, dans la grosse machine du système économique. Notre enfant doit se préparer à la vie, il doit avoir un diplôme qui va lui permettre de trouver un emploi bien rémunéré.
Quand on regarde autour de nous, on voit de plus en plus de personnes, les grands eux-mêmes, qui sont mal en point. Les désarrois de toute nature nous sautent aux yeux. Les gens sont malades physiquement, psychologiquement et émotionnellement. Ils font des fautes en écrivant et en parlant. Ces personnes sont pourtant passées par ce système scolaire qu’on a jugé si performant qu’on cherche encore à le reproduire. On doit bien se rendre compte que ça n’a pas fonctionné.
J’ai moi aussi fait partie de ce système. J’ai enseigné et dirigé des écoles à l’élémentaire. J’ai été directeur général de commissions scolaires dans la région de Québec. J’ai beaucoup de respect pour toutes les personnes qui travaillent dans le système scolaire et pour les parents qui ont choisi d’élever des enfants à cette époque de l’évolution humaine. Je veux ici provoquer la réflexion et pourquoi pas l’action. N’est-il pas le temps d’humaniser nos valeurs éducatives? Nous sommes conviés à faire le premier pas vers l’humanisation de notre société. C’est un des grands défis que les nouveaux humains viennent nous demander de relever.