Il y a LES plaisirs et il y a LE plaisir.
Le 1er suggère une panoplie d’activités qui nous procurent de l’agrément, tandis que le 2e nous ramène plutôt à un état, à quelque chose qui est généré de l’intérieur.
Il n’y a pas de plaisir sans état de légèreté, ni aucune légèreté possible tant que l’on est absorbé par le passé ou le futur. Comme ces derniers constituent le champ d’activité du mental, on en vient au constat que le plaisir, en tant qu’état, ne peut exister qu’en dehors de la tête et surtout au présent.
Avec la vie que nous menons, pas étonnant de devoir en arriver à se réserver des plages de temps (quelle expression relaxante!…) qui seront consacrées uniquement au plaisir.
D’ici à ce que nous redevenions comme des enfants qui passent avec légèreté d’un moment présent à l’autre, nous risquons souvent de faire passer le plaisir sous la table, si nous ne posons pas des gestes concrets pour lui faire une place.
S’arrêter est vital
En effet, il faut d’abord reconnaître son besoin de s’arrêter, de s’amuser, de prendre soin de soi comme prioritaire à celui de prendre soin des autres, avant de décider de libérer du temps pour le faire.
Nous sommes à ce point conditionnés à performer et axés sur les tâches que nous avons besoin de moyens concrets pour nous rappeler que la non-action, la détente et le plaisir sont des éléments essentiels à notre équilibre, non seulement physique, mais aussi émotionnel et psychique.
Vous souvenez-vous de l’adage : « il n’y a pas de mal à se faire du bien! »? N’y a-t-il pas une saveur de culpabilité dans cette phrase? Avons-nous besoin de nous justifier pour nous accorder le droit au plaisir, à la jouissance d’être en vie, sans lien avec l’obligation d’un résultat?
Pourtant, les vibrations du plaisir sont encore là, dans la mémoire cellulaire des enfants que nous avons été et elles ne demandent qu’à être réactivées.
Les incidences d’épuisement professionnel ayant monté en flèche ces dernières décennies ne sont certes pas étrangères à la popularité grandissante des spas domestiques, des spas nordiques, des relais santé et des établissements qui dispensent des soins corporels.
Nous avons besoin de nous évader du tourbillon du quotidien (dans un bon bain tourbillon…) car souvent nos bonnes intentions de nous réserver du temps se font gruger par les imprévus. Ainsi les moments pour soi se retrouvent tout au bas de la liste des priorités, ne faisant qu’élargir le cercle vicieux.
À notre défense, il faut bien reconnaître que notre éducation ne nous a, en général, pas beaucoup orientés vers la notion de plaisir; ce qui fait que plusieurs vivent le paradoxe d’avoir à faire un effort afin de créer une place pour le plaisir dans leur vie.
À la rencontre se soi
En tant que personne-ressource « jouvaillant » dans un spa (mot sandwich de mon cru alliant jeu et travail), je rencontre bien des gens qui s’offrent un séjour pour la première fois. Je n’ai encore entendu personne dire qu’ils ont trouvé le temps long; au contraire, ils souhaitent revenir!
Que se passe-t-il quand on s’accorde une pause de ce type?
On se donne l’occasion de se rencontrer soi-même, de prendre le temps de se ressentir, de vraiment se reposer, de prendre du recul pour faire le point.
Bien sûr, une cabane en forêt ferait aussi bien l’affaire, mais comme nous vivons dans une société de performance et de pression, le premier besoin qui émerge est souvent de se dorloter et de se faire dorloter quand on le peut. Toute cette approche de cocooning est bien plus qu’une mode; elle répond à un besoin profond de trouver un équilibre à nos vies trépidantes.
Se donner du temps, se faire masser, flâner dans un bain, tout cela prend soin des signaux d’alarme lancés par le corps.
Cependant, bien des gens arrivent sur la table de massage en état de contraction tellement avancé, qu’ils devront expérimenter douleurs, malaises et grande fatigue avant de pouvoir ressentir les réels bienfaits d’un massage. En effet, quand on a dépassé ses limites, c’est la fatigue qui ressort aussitôt que l’on s’arrête pour prendre une petite vacance…
C’est au moment où l’on accorde un peu plus de temps aux choses « non productives » qu’on se rend compte à quel point le bien-être et le plaisir sont essentiels à un état de bonheur, celui qui n’a rien à voir avec les facteurs extérieurs.
C’est au-dedans que ça se passe…
Ce n’est pas par hasard que la tendance des spas innovateurs soit axée depuis une dizaine d’années sur un bien-être plus intérieur. On n’hésite pas à parler de l’âme et de l’être dans les publicités, ce qui est devenu une recherche d’équilibre dans notre monde occidental.
Continuons de chercher, car il y a un plaisir bien plus profond et durable que les multiples plaisirs que notre civilisation du loisir tente de nous vendre comme étant essentiels à notre bonheur.
S’arrêter et se donner l’espace de se ressentir est une première étape et les moyens que l’on choisira pour atteindre ce but doivent passer par la facilité et le plaisir, car si vous pensez : il faut que je me mette en forme, il faut que je me trouve du temps, vous passez à côté du plaisir.
Alors demandez-vous : qu’est-ce que je pourrais inclure dans mon quotidien que j’aurais du plaisir à refaire? Est-ce de prendre des bains relaxants, de me faire masser régulièrement, de pratiquer le tai chi, le chi Kung, le yoga, la méditation? Ou est-ce qu’une activité créative me permettrait mieux de laisser ma tête de côté pour quelques heures?
La régularité dans quoi que ce soit mène à une habitude, ou au mieux, une seconde nature. En arriver au point de sentir un malaise dès qu’on est à côté de ses pompes est une grande victoire, car cela révèle que c’est enfin l’être qui mène et non le faire. Notre société moderne cherche à redécouvrir une vérité si simple : la joie et la légèreté font partie intégrante de l’être. Après tout, nous ne sommes pas des « faire humains », mais bien des êtres humains!