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L’éco-village TerraVie

Cheminer dans la vie de… Nicole Fafard

Entrevue réalisée pour la revue Cheminement par Manon Duguay

Nous savons que tu es naturothérapeute, herboriste et peintre.  Nous savons aussi que tu travailles avec les semences ancestrales.  Et surtout, que TerraVie, ton grand projet d’éco-village, avance à grands pas.  Tu es une femme d’action qui travaille concrètement pour l’environnement.  Tu es aussi la gagnante canadienne 2008 du prix Terre de femmes offert par la Fondation Yves Rocher.

NF : Oui, j’ai cheminé d’une façon très concrète pour vivre dans des projets d’éco-villages et des projets communautaires.  Je me suis consacrée à mettre des semences dans la terre, et à voir passer les cycles de la nature.  C’est beaucoup plus réel de voir ce mouvement vers la nourriture, la santé.

MD : Où a commencé ton cheminement?  Où as-tu commencé à prendre conscience de l’environnement?

NF : J’ai étudié en littérature et en théâtre.  Mais mon cheminement n’était pas l’école, je ne m’y sentais pas bien.  Ce n’était pas ma façon naturelle d’apprendre.  J’avais le goût de voyager, alors je suis partie.  J’ai passé quelques mois dans l’Ouest canadien à apprendre l’anglais.

Puis, je me suis blessée en ski.  Une longue convalescence.  Je prenais des médicaments pour la douleur.  J’avais le nerf sciatique tellement endommagé que les médecins voulaient m’opérer.  Ils me disaient que je ne pouvais plus faire de sport, et les sports ont été un tremplin important dans ma vie.  Donc, dire que mon corps a besoin d’aide m’a demandé toute une introspection.  J’avais une décision à prendre et cet accident m’a menée vers les médecines alternatives.  Ça m’a ouvert la porte à la spiritualité.  Je considère la découverte des médecines alternatives comme un cadeau du ciel.  Tout ce questionnement m’a conduite en Californie où j’ai appris de plus en plus sur les médecines alternatives.

La vie nous guide.  J’ai fait des rencontres qui m’ont amenée à partir pour l’Australie.  Là-bas, j’ai travaillé comme gérante d’artiste pour le gouvernement australien.  J’adorais travailler avec les groupes d’un peu partout dans le monde.  Et l’aspect autochtone me parlait.  J’étais fascinée par leurs valeurs pures.  Après l’Australie, j’ai encore beaucoup voyagé, puis j’ai voulu connecter avec les peuples autochtones.

Et quand nos désirs sont clairs, la magie agit.  De retour à Vancouver, j’ai rencontré des gens qui s’en allaient visiter les indiens Hopis.  Je suis partie avec eux.  Ça été le début d’un cheminement avec les autochtones.  J’ai passé du temps avec les amérindiens au Nouveau-Mexique, et en Arizona.

Après une escale d’un an au Québec, je suis allée à Mont Shasta, un endroit reconnu pour sa spiritualité, très nature.  J’ai senti que je me reconnectais avec la nature.  Je me suis dit que si un jour je revenais au Québec, ce serait à partir de la nature.

Après le Mont Shasta, j’ai vécu 7 ans à Hawaï.  J’ai vécu dans des structures naturelles, dans la nature, avec une communauté un peu Mauï.  Au début, on était peut-être une quinzaine de personnes.  Il y avait plusieurs petites communautés avoisinantes avec beaucoup d’échanges et de collaboration.

Je sentais que je faisais quelque chose de positif.  Ça été une période magnifique.  J’ai pris le temps de m’asseoir, de regarder les grenouilles, de regarder comment fonctionnent les insectes, de reconnecter avec la nature.  J’ai pris le temps d’observer.  Là-bas, nous vivions à l’énergie solaire avec des structures qu’on construisait nous-mêmes.  Nous faisions des jardins, avec beaucoup de plantations.

J’y ai rencontré deux grands-mères très près des plantes avec lesquelles j’ai appris l’herboristerie.  Elles me disaient que ce sont les plantes qui nous enseignent et qui communiquent avec nous.  Ce n’est pas dans les livres qu’on apprend.  C’est comme ça que j’ai appris le plus au niveau de la naturopathie.

J’ai découvert les esprits de la nature, qu’ils appellent les petites algues de la nature.  J’ai pris le temps d’être là, d’ouvrir mes sens à une communication plus intime avec la nature.  Je me suis impliquée socialement.  J’y ai acquis mon expérience d’éco-village ou d’éco-communauté.  En l’an 2000, j’ai ressenti le besoin de voir ma famille, de revenir ici.  C’était difficile.  Je ne voulais pas partir des tropiques.  Mais toute ma vie j’ai fait confiance à mon intuition, alors je suis revenue.

Je suis allée chercher mes licences en naturopathie et en herboristerie.  Je me suis remise à travailler.  J’ai loué une maison pour essayer de m’habituer à cette vie.  Je n’étais pas capable.  J’étais trop imprégnée par la vie communautaire.  La vie dans la nature me manquait.  Alors graduellement, j’ai regardé ce qui se passait au Québec.  Je cherchais des projets d’éco-village, de communautés écologiques.  Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais.

Plusieurs personnes me disaient rêver d’une telle communauté.  J’ai fait des recherches et TerraVie a commencé à mijoter.  Dans ce temps-là, j’habitais à Val-David.  J’avais loué une grosse maison qui est devenue un genre de maison collective.  Tout de suite, il y a eu beaucoup de musique.  Je parlais de communautés.  Je demandais est-ce qu’on fait un éco-village?  C’était oui.  On a commencé à être plus concrets.  En décidant de revenir au Québec, je savais que je revenais pour accomplir quelque chose.  Je me suis dit que j’allais construire un éco-village.  Je l’ai pris au sérieux.

MD : Bâtir une communauté, c’est beaucoup de travail.

NF : À Hawaï, j’habitais sur des terrains où les gens avaient déjà fait le travail.  Ils étaient dans le quotidien du financement.  Un aspect que je n’ai jamais touché.  La mise en forme de TerraVie a été vraiment progressive.  Nous regardions des terrains en même temps que le processus évoluait.

TerraVie, c’est faire un éco-village.  Construire une petite maison écologique tout en regardant l’aspect collectif.  Quand j’habitais en Californie, et à Hawaï, j’avais assisté à des rencontres sur les fiducies foncières.  J’étais intéressée par leur fonctionnement.  J’ai fait des recherches au Québec sur les communautés basées sur des fiducies foncières habitables, il n’y en avait pas.

Au Québec, les projets étaient souvent privés.  Donc des gens qui achetaient des terrains et qui s’organisaient en communautés.  J’ai rencontré plusieurs anciens du mouvement par l’entremise de TerraVie.  Je partais d’un contexte de vivre dans la nature à Hawaï, vraiment pieds nus dans la nature.  Pour moi c’était ça l’environnement.  Et me voilà à monter une structure légale, organisationnelle et administrative, avec les gouvernements.  Il y a eu une rencontre avec André Boisclair, alors ministre de l’Environnement.  Nous avons parlé de zonage indigo et de fiducies foncières communautaires.  La réunion a été formelle, mais super sympathique.

Mettre TerraVie en place, était un besoin personnel.  Je sentais qu’il fallait être plus local ou autonome par rapport à nos ressources naturelles.  Je voulais faire des jardins, faire des échanges, comme à Hawaï où il y avait énormément de troc.  J’étais bien dans l’aspect communautaire.

Je me suis promenée dans plusieurs villes de Polynésie.  J’étais attirée vers les festivals autochtones.  Les Polynésiens sont des gens simples aux yeux brillants, toujours le sourire aux lèvres, et ils n’ont pas grand-chose.  Alors je me disais qu’il y a vraiment quelque chose, dans leur façon de vivre, qui est sain.  Le jet set moderne est plate.  J’étais toujours mieux quand je revenais dans le bois, dans la nature près de gens aux valeurs simples.  On ne peut pas retourner à la survie dans la nature où on se déconnecte des technologies.  Mais nous pouvons créer un équilibre… que ce soit un choix, comme le mouvement simplicité volontaire, ou choisir de moins consommer.  Ça veut dire être plus autoproductif au niveau de l’alimentation, encourager des produits et services locaux.

Ici, l’été, nous faisons partie des marchés à Val David.  Ils existent depuis 4 ans.  C’est le premier élan de marchés comme ça que je connais dans les Laurentides.  Les gens adorent aller acheter des produits directement des producteurs, même si ça coûte 50 cents de plus.

MD : Que cultivera TerraVie?

NF : Nous allons cultiver beaucoup de produits.  Nous étudions présentement la possibilité d’acquérir l’ancien magasin général du village.  Ça fait 10 ans qu’il est fermé.  On y ferait un café, un genre de place recyclée.  Pour les produits locaux.  Pas juste de nos projets.  TerraVie est un pont.  On veut encourager les gens locaux.  Ramener un peu cet élan de participation, de manière abordable.

Ici, au Lac des Becs-Scie, il y a beaucoup d’habitations, mais je connais peu de personnes car il n’y a pas d’endroit central pour rencontrer les gens.  Les gens se regroupent à travers les marchés qui commencent à prendre forme au Québec.  On le voit dans différentes régions.  Il y a un élan de retour à des produits sains.

Je reviens toujours à ce qui a motivé TerraVie.  Les bases sont le contact avec la nature.  Terravie est un organisme de conservation qui appartient à tout le monde.

MD : Où en est TerraVie dans son développement?

NF : TerraVie a mis en place l’aire protégée à Montcalm, la 2e aire protégée des Laurentides.  Le terrain est acheté sur les rives du Lac Brochet.  Nous avons 24 conventions vendues, pour 24 maisons pour 24 familles.  La coopérative est en place.  Les infrastructures seront aménagées cette année.  TerraVie commence à bâtir les maisons au printemps 2009, en partie avec des matériaux recyclés.  Celles-ci utiliseront l’énergie solaire.  Les plans sont faits, les critères de développement sont en place.  L’éco-village devient réalité.  TerraVie prévoit déjà l’achat de d’autres terrains.  Un modèle à suivre pour le développement d’une économie sociale durable et la création d’autres éco-villages au Québec.

MD : C’est fantastique.

NF : C’est fantastique.

Merci, Nicole!

Pour tous les détails sur le fonctionnement de TerraVie et leurs projets d’avenir, lisez l’entrevue en entier au www.cheminement.com. TerraVie : www.terravie.org.

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