Qui ne connaît pas ces personnages fictifs dotés de capacités extraordinaires pour qui absolument tout est possible? Aucun défi, aucun obstacle et surtout aucune limite ne peut et ne pourra jamais les arrêter. Ils ne semblent jamais avoir de limites de moyens, de distances et encore moins, de temps. Lorsque l’on possède la capacité de se promener dans le temps, la plage horaire prend une expansion illimitée.
Dès notre plus tendre enfance, on nous borde avec les aventures de ces héros fantastiques. On grandit avec eux, sans nécessairement se faire rappeler qu’ils sont fictifs. On voit nos parents repousser sans cesse leurs propres limites dans le but de devenir également des ultras performants. Pas étonnant que rendu à l’âge adulte on ait tendance à répéter la même chanson. Cependant, il y a un point sur lequel on ne porte pas suffisamment d’emphase et c’est d’ailleurs le mot clé du paragraphe précédent : fictif. Si on ne voit ces gens surhumains qu’à la télé ou dans les livres, c’est pour la raison très simple qu’ils n’existent pas. Alors à quoi bon s’épuiser à faire comme eux?
Inutile de nier que nous vivons dans une société où la performance constitue un critère de réussite de premier ordre. Mais à toujours courir après une réussite ou à vouloir sans cesse hausser le standard, on finit par perdre la chose la plus importante de notre vie : soi-même. La personne fait place au personnage de celui qu’on attend de nous que l’on soit. L’on repousse constamment nos propres limites, admettant le fait qu’on accepte de reconnaître que l’on en a, jusqu’au jour où notre médecin décide de nous mettre en congé forcé. On se retrouve alors face à un thérapeute qui voudra essayer de nous apprendre la définition même du mot limite. Fait intéressant, ce n’est pas un tête-à-tête avec un thérapeute auquel on a droit, mais plutôt dans un groupe thérapeutique. Parfaite confirmation que ce phénomène n’a rien d’exclusif à un nombre restreint de personnes.
Le plus gros inconvénient à essayer de se prendre pour un superhéros dans le but d’épater la galerie est qu’on ne berne que soi. On reconnaît les limites des autres sans problème, mais on refuse de voir celles qui nous appartiennent. Pourtant, votre patron lui le sait qu’il n’a pas engagé une machine. Pas la peine d’essayer d’en avoir l’air. Il préférera sûrement vous entendre mettre votre limite plutôt que de vous donner quelques mois à la maison pendant lesquels il devra confier votre travail à quelqu’un d’autre. C’est un vrai cercle vicieux.
Faites quelque chose pour vous. Regardez-vous dans la glace, et accepter de voir la personne derrière le masque immuable de ce personnage qui prend votre place depuis des années. À force de montrer aux gens autour de vous ce personnage, ils finiront par y croire, et attendront toujours plus de vous. Et c’est à ce moment que l’on devient pris dans son propre personnage. Même les acteurs laissent les masques en sortant de scène. Donnez-vous le droit de le laisser tomber aussi. À la base, on choisit un métier pour soi, pour être bien, pour parvenir à un épanouissement personnel et professionnel. Si l’on passe quarante années de sa vie, pendant quarante heures par semaine et ce, cinquante semaines par année à vouloir montrer que l’on est ce qu’on n’est pas, il se pourrait que l’on rate l’objectif de départ.
La personne la plus importante dans votre vie est celle assise sur votre chaise en ce moment précis. Faites quelque chose pour elle, donnez-lui le droit d’être humaine, tout simplement. Être soi est la seule façon de parvenir à l’épanouissement auquel on aspire tant en terminant ses études. Je ne crois pas que quelqu’un se soit donné un jour comme objectif de devenir amer et aigri. Pourtant, combien le sont?
Regardez autour de vous puis regardez encore votre reflet. Un humain vient avec des qualités, des défauts, des aptitudes et malheureusement, des limites. Je sais, je sais, ce mot donne des sueurs froides à plusieurs. Moi, la première. Pourtant, tout le monde en a. Fort est celui capable de l’admettre, mais faible est celui qui refuse de le voir. Même si d’un premier coup d’œil, on pourrait en croire l’inverse.
Reléguer le personnage à cape au placard n’est pas une mince affaire. Mais c’est la première étape pour gagner un respect sincère et véritable autant de vos collègues que de vos patrons. Les gens authentiques et fidèles à eux-mêmes sont une richesse rare de nos jours. En être un constitue une excellente façon de se démarquer. On passe sa vie à faire des trucs pour son conjoint, ses enfants, ses voisins, ses collègues, son patron. Mais la meilleure façon de faire quelque chose pour eux, c’est de faire quelque chose pour soi. Faites-vous un cadeau! Donnez-vous le droit d’être vous-mêmes en tout temps, tout simplement. Les vrais héros ne décident pas consciemment de le devenir, ils le deviennent à travers les yeux des autres. Les meilleurs performent parce qu’ils ont une passion profonde pour ce qu’ils font. Ils n’ont pas besoin de performer pour aimer ce qu’ils font tous les jours. Et le vrai héros ne sera jamais autre chose que ce que son reflet lui renvoie, un humain.


