Féminin pluriel

Comment pourrions-nous limiter le féminin à une seule définition? Tellement de richesses et de visions sont contenues dans les archétypes du féminin. Ils habitent l’homme autant que la femme, car le féminin à mes yeux n’a pas de sexe au sens littéral du terme sans pour autant nier son origine chez la femme telle qu’elle est représentée dans les grands mythes ou dans les arcanes du Tarot. Ici comme dans diverses représentations, ses visages sont multiples et le féminin habite chacun de nous, en équilibre ou dans des proportions plus ou moins harmonieuses. Nous pourrions en dire autant du masculin.

L’essentiel n’est-il pas de prendre conscience de ce féminin qui nous habite et non seulement d’en être conscient, mais de lui laisser la place qui lui revient, sans honte, avec joie et plaisir.

Il y a un féminin passif et un féminin actif, un féminin qui reçoit, qui accueille, qui protège, qui aime, qui consent à donner sans retour, qui sème l’amour discrètement, qui se révolte, qui souffre, qui partage et se passionne pour la vie dans sa totalité.

L’avenir, en partie, est entre les mains du féminin. Que ferons-nous du féminin? Nous permettrons-nous d’y faire confiance, de le laisser s’exprimer dans ses formes infinies, à travers l’art, le politique, le social, les sciences et bien sûr à travers la spiritualité? Quel espace sommes-nous prêts à lui donner? Comment souhaitons-nous le célébrer? Peut-il se manifester sans guerre? Peut-être. Mais non sans combat, car il doit retrouver ses lettres de noblesse autant dans le fait d’entretenir un foyer, soigner des enfants, découvrir une nouvelle équation en physique ou dans les rituels au sein des diverses expressions religieuses. Il fut un temps où le féminin était représenté par le ciel et le père ou le masculin par la terre puis ce fut l’inverse. Souhaitons que le féminin soit sur la terre comme au ciel!

Je ressens une certaine tristesse en constatant le trop grand nombre d’hommes qui refoulent en leur profondeur le féminin et le trop grand nombre de femmes qui troquent le féminin pour un masculin disproportionné, dans le but de conquérir un pouvoir et une puissance qui répondent aux valeurs déformées de nos sociétés.

Respecter le féminin et le laisser vivre librement dépasse les images conformistes de la publicité. S’il doit passer par les soins du bébé, la sensibilité, la douceur, il doit aussi se manifester dans les luttes pour l’équité et la justice, la vision juste des choses, loin de la haine et des rancœurs. Le féminin est une arme à manier avec dextérité, souplesse et discernement.

La peur, chez les hommes, empêche trop souvent la manifestation des émotions et les remises en question, les luttes aveugles ou acharnées empêchent chez les femmes, dans une haine du masculin, l’essor du féminin. Je ne prétends pas ici que les luttes ou les revendications soient à bannir, mais à équilibrer.

Le féminin désire l’harmonie, l’équilibre, ce retour à la terre comme matrice de vie, cette relation féconde à l’eau, dans la joie, la danse ou le chant, dans le secret ou dans de grandes manifestations. Le féminin, c’est l’origine, la connaissance, la juste part des choses, l’imaginaire et la créativité, cette force intérieure trop souvent contenue, le don de soi, la sensualité, la part de mystère et la réalisation de soi.

Comment ne pas souhaiter que chaque femme et chaque homme puisse vivre le féminin jusqu’à l’extase? Je vous le souhaite amoureusement.

L’art de vivre – Passion

Passion, j’aime ce mot. C’est comme si je pouvais en ressentir son énergie, sa force, sa patience, son engagement. Pour moi, une passion veut dire aimer passionnément ce que je fais. C’est un appel à l’aventure, à la créativité, à la foi et la confiance en sa vie. En voici une illustration.

Déjà à l’âge de six ans, je voulais devenir violoniste et jouer dans un orchestre. Je suis née dans un tout petit village dans le nord du Québec, mais, même s’il était petit, il y avait un couvent tenu par des religieuses et l’une d’elles enseignait le violon. Pensionnaire dans ce couvent, j’ai eu la chance d’apprendre cet instrument. Cette passion m’a aidée à ne pas me sentir seule, éloignée de ma famille, à ne pas être triste et cela pendant dix ans. Je n’allais presque jamais aux récréations, j’étais toujours dans la salle de musique à m’amuser, à faire ce que j’aimais le plus.

À 17 ans, j’étais déjà sur le marché du travail et à 21 ans, je me mariais. Pendant plusieurs années, j’ai dû mettre de côté mon violon, travaillant à l’extérieur en même temps que notre maison devenait de plus en plus bruyante, cinq enfants s’étant ajoutés à notre couple. Fini le violon.

Mon mari décédait à 40 ans et cinq ans plus tard, je déménageais à Hull. Une de mes amies m’invita un soir au CNA pour entendre l’Orchestre symphonique d’Ottawa, et, tout bonnement, elle me dit que les musiciens n’étaient pas tous des professionnels. Le lendemain, je quittais un emploi assuré, me trouvais un excellent professeur et recommençais à étudier sérieusement le violon. Mon intention était de pratiquer 3 heures par jour pendant que les enfants étaient à leurs différentes écoles. Je ne me suis même pas demandé comment je m’arrangerais financièrement, je ne songeais qu’au résultat, l’orchestre.

C’est alors que les miracles ont commencé… Le téléphone sonnait pour m’offrir du travail. La première fois, c’était au ministère de la Justice où l’on m’offrait un contrat de six mois, non renouvelable, à raison de 20 heures par semaine. C’était exactement ce dont j’avais besoin. Après ces six mois, j’ai été réengagée deux autres fois. Puis, la directrice d’une école de musique m’a téléphoné me demandant si j’accepterais d’aller enseigner le violon 15 heures par semaine, C’était parfait.

Ensuite, j’ai reçu un appel d’un médecin qui demeurait à Kapuskasing, un inconnu. Comment avait-il eu mon téléphone? Il écrivait un livre et me demandait de la transcrire pour lui. Il en a écrit 4! J’ai eu du travail pour 6 mois. Et finalement, j’ai eu mon audition et je suis devenue membre de l’Orchestre symphonique.

Je n’ai pas eu le temps de m’inquiéter, la vie prenait soin de moi continuellement. Je me sentais aimée, encouragée, dans le flot de ma vie. Je suis convaincue qu’en chacun de nous une passion a été déposée dans notre cœur et que si nous l’explorons, nous la découvrirons. Une passion est un appel à vivre pleinement, à aimer totalement ce que l’on fait, c’est un appel à vivre pleinement, à aimer totalement ce que l’on fait, c’est un appel à l’aventure, à l’inconnu. Il faut oser, laisser aller nos peurs, faire confiance en sa vie cette vie qui nous aime et nous connaît tellement. Nous connaissons les premiers pas à prendre et ensuite, nous allons de découvertes en découvertes. C’est un appel à la créativité, à l’expansion de son être.

La passion peut évoluer, c’est ce qui m’est arrivé. Bien sûr, j’aimerai toujours le violon, mais maintenant ma vie est devenue ma passion. Ma vie m’aime et me veut heureuse. Je lui fais confiance, elle me guide, m’amène je ne sais où et je dis oui. La confiance et l’abandon croissent de jour en jour.

Magique fascination

Un peu mal à l’aise, je m’installe à une table où papotent en grec un groupe de vieilles femmes. J’attends ma bonne amie qui est à terminer son animation du groupe. Ça sera bientôt Noël, et il y avait à côté de moi, à ma droite, une vieille dame. Une aînée, une dame âgée, une grand-mère…

On ne sait plus comment les nommer, mais j’ai envie de l’appeler Lady. Ce qui représente bien la dignité dans le grand âge qu’elle affichait avec fierté. Quelques bijoux sur une blouse blanche immaculée, les joues un peu rosies, à cause du vin, je crois. Les paupières lourdes des ans, mais le regard clair, une fontaine aux eaux vertes où l’envie d’y plonger est presque irrésistible. Des yeux vifs, un peu rieurs, comme les petits sourires un peu amusés qu’elle m’adressait de temps à autre.

Je l’observais à la dérobée, soucieuse de dissimuler ma curiosité. D’abord les mains jointes, comme en prière, elle fouille dans son sac à mains pour en extirper un petit outil, une paire de ciseaux pliants. Puis sa main leste s’agite sur la table autour d’elle à la recherche de serviettes de papier. Le repas est terminé, et je crois qu’elle cherche à récupérer ce qui peut l’être encore, à la manière de ma mère un peu, qui ramassait ce qui pouvait encore servir. À l’aide de ses petits ciseaux, elle découpe une serviette le long du pli. Puis je repense à ma mère, pour qui tout bout de ficelle ou de laine devait être préservé pour un usage éventuel.

Avec des gestes lents et précis, la tête baissée sur son ouvrage, elle sépare les deux morceaux de serviette. Je crois qu’elle s’apprêtera ensuite à enfouir dans son sac à mains tous les petits bouts de serviette propres et encore utilisables pour les rapporter chez elle, comme des trésors dans un petit musée que j’imagine minuscule, empoussiéré, où gambadent probablement quelques chats.

La musique et les pas de danse d’un groupe de femmes derrière moi me fait souvent détourner la tête, toutes sourient ou rient aux éclats en tentant de chantonner les paroles des chansons que certaines d’entre elles ont oubliées. Qu’à cela ne tienne. L’atmosphère est à la fête, à la mise au rancart des soucis et des jambes enflées, engoncées dans d’épais bas noirs.

Je reviens à ma voisine qui relève la tête de sa besogne et esquisse à mon intention un large sourire que je lui rends aussitôt, sincère. Je remarque maintenant qu’elle plie en accordéon quelques moitiés de serviettes. Est-elle en train de se fabriquer un éventail? Il est vrai que l’air est chaud, saturé d’odeurs de toutes sortes, tantôt sucrées, tantôt âcres, la sueur mêlée aux restes du repas.

J’observe à nouveau le groupe de danseuses en y réfléchissant. Je n’ai que ça à faire en attendant la fin des festivités. Observer et réfléchir, me transposer en elles, me transporter au loin et m’y retrouver avec des compagnes pour nous remémorer, pleurer ou rire ensemble, en chantant des chansons de Gilles Vigneault. Étrange sensation tout de même lorsque j’essaie de voir à travers leurs yeux ce passé, révolu pour plusieurs d’entre elles, mais pour d’autres, bien ancré dans l’espoir présent, rattaché par des fils dorés à un futur possible, un rêve de retour aux sources. Je sens cette passion, cet acharnement à vivre après avoir côtoyé et vu la mort, les détresses dans le sang des leurs. Comme cette persévérance de ma voisine, qui, toute attentive à ses morceaux de serviette, a peut-être porté dans ses bras, en courant sous la mitraille, un enfant ensanglanté, au regard vide, tourné vers un Ciel qui n’existe pas, qui ne peut exister, puisqu’il permet de telles atrocités.

Perdue dans ces pensées, les petits mouvements de ses doigts me fascinent. L’éventail prend forme. Une forte envie de lui parler m’obsède, mais je me retiens d’abord, je ne sais rien d’elle, ni elle de moi. Qui suis-je pour oser lui demander ce qu’elle fait?

Maintenant, il n’y a plus qu’elle et moi qui existent. Les danseuses, la musique, les autres personnes attablées autour de nous se fondent en un brouillard. Puis j’ose : « Are you making a fan? » Elle baisse les yeux et fait signe que non, en silence. Bon, je me suis plantée. Et puis ça ne me regarde pas au fond. Un grand soupir, après un timide sourire, et mon attention se reporte sur les jambes lourdes des danseuses, et j’essaie de m’accrocher à leurs rires et d’en saisir les étincelles.

Une main délicatement posée sur mon avant-bras me fait sursauter, absorbée que j’étais dans la contemplation de cette fresque colorée, mouvante et lumineuse, battant la vie, au rythme des claquements de doigts et de talons. Je me retourne, et j’ai sous les yeux une magnifique fleur de papier-serviette que la Lady dépose à côté de mon assiette.

Instantané de tendresse inattendue, mais combien magique dans son essence. Moment heureux. Mon premier cadeau de Noël. Lady a racheté le Ciel à mes yeux.

Un rendez-vous avec moi

Comment décrire le journal créatif? C’est tant de choses en même temps, c’est un cahier, un journal dans lequel j’écris tout ce qui me passe par la tête, un journal qui me permet de déverser mes humeurs, mes émotions, mes pensées, mes non-dits ou « non disables », un endroit où je consigne tous ces instants que je ne veux pas oublier, mes petits et grands bonheurs, mes doutes et mes espoirs, mes petites et grandes aventures, mes bons coups et les moins bons.

C’est aussi un rendez-vous avec moi-même pour m’amuser, créer, me retrouver, un rendez-vous avec mon âme d’enfant qui gribouille, joue avec les couleurs, les mots, les images, les matières.

Dans le journal créatif, on peut faire vraiment tout ce qu’on veut. Écrire à ce parent, tant haï ou tant aimé, toutes les choses qu’on ne lui a jamais dites. On peut même écrire sa réponse, on peut aussi dialoguer avec son ange gardien, avec notre petite fille intérieure, dessiner une douleur, un blocage, une colère, en faire un zoom pour mieux le comprendre, décoder un rêve, faire un diagramme en bulles pour chercher un titre de blogue, faire la liste de toutes nos qualités ou de tout autre chose, un mandala pour relaxer, un collage pour matérialiser nos désirs! Et tout ce que notre imagination peut créer!

L’imagination, parlons-en! On peut écrire des poèmes, des haïkus, des histoires drôles ou pas, des contes dans lesquels nous sommes les héros, rois, princesses et où la personne ou l’objet de notre difficulté devient la sorcière ou le dragon que nous combattons et où la fin de l’histoire (heureuse bien entendu) nous apporte des idées, voire des solutions inattendues à nos problèmes.

Écrire quelques pages dans mon journal est devenu pour moi une routine, voire presque une drogue. Eh oui! Je suis accro au journal créatif! Je l’avoue. Il me fait tellement de bien; cela fait maintenant presque 2 ans que je l’utilise quasi quotidiennement.

Pourquoi? Qu’est-ce qu’il m’a apporté?

De la liberté, de la paix, de l’espace… dans ma vie, dans mon esprit, dans mon cœur!

Il m’a ramenée vers moi-même, il m’a permis de me retrouver, de retrouver la liberté d’être qui je suis. Et ce qui est le plus surprenant, c’est qu’il a fait cela presque à mon insu, sans que je m’en aperçoive vraiment, petit à petit, jour après jour.

Bien sûr, cela fait presque 20 ans que je suis en « cheminement » comme l’on dit, que je suis des ateliers, des formations en croissance personnelle et que j’avale des livres comme d’autres des pilules. Et c’est comme si le journal créatif m’avait permis de rassembler tout cela, d’intégrer tout cela.

Il m’apporte, en plus de la dimension « développement personnel », cette dimension du jeu et de la créativité qui sont, en fait, les deux activités principales de l’enfance. Ceci me fait beaucoup de bien, et je réalise de plus en plus que toutes ces dimensions sont essentielles à un retour vers soi; elles font partie de nous. Trop souvent, pour ne pas dire la plupart du temps, l’adulte a perdu, oublié ou laissé de côté son besoin d’enfant, pour s’enliser dans une vie sérieuse, coincée, où le plaisir a peu à peu perdu sa place.

Et puis, il y a aussi le journal créatif en groupe, avec tout ce que l’énergie d’un groupe apporte en plus. Les partages, le plaisir de voir les créations de chacun, de voir l’imagination en action, la créativité en délire, les fous rires suite à des lectures d’histoires abracadabrantes, les surprises qui se lisent sur les visages devant une découverte inattendue, un pas en avant vers des retrouvailles avec une partie de soi, ou un chef-d’œuvre : « est-ce vraiment moi qui ai fait ça? ».

Eh oui! Le journal créatif, c’est tout ça et sûrement bien plus encore, tout dépendant de la personnalité de chacun, de ses désirs, de son implication, de son imagination et de sa créativité.

Ce qu’il y a de merveilleux, c’est que chacun en fait ce qu’il veut, l’utilise à sa manière et en reçoit ce qu’il est prêt à recevoir. Pour moi, c’est un outil royal pour un retour tout aussi royal vers soi.

Oh, ma chère créativité, pleine de rebondissements, bourdonnante comme un nid d’abeilles, riche, fière, tumultueuse ou paisible. Toujours à la recherche du beau, du nouveau, de la lumière. Oh, ma chère créativité, de jour en jour, tu me ramènes à mon âme, tu me ramènes à moi-même, tu es mon chemin privilégié, celui que j’ai tant cherché, mon retour vers la joie, mon retour vers mon soi!

Se lier aux arbres

Connaître les arbres. Être en contact avec la nature. Jouir davantage de la vie. Protéger l’environnement. Aimer nos arbres. Être créatif.

Je rêve d’un vaste continent d’arbres et d’anciennes forêts primitives où les érables sont si opulents qu’il faudrait une chaîne de personnes pur en faire le tour, où les pruches du Canada se tiennent aussi noblement que des rois et où les pins blancs s’imposent comme des grands géants. Cette forêt est sombre et fraîche, mais toutefois pénétrée de rayons de soleil qui illuminent le merveilleux tapis qui la recouvre. Je rêve de retrouver l’Outaouais et la vallée d’Ottawa comme ils existaient jadis.

Aujourd’hui, les anciennes forêts ont fait place à des fermes et des villes. Le bois fût utilisé pour nos maisons, nos bateaux et notre papier. Mais il y a toujours espoir! Le parc de la Gatineau est vigoureux et protégé. Nous contemplons aussi de merveilleux arbres le long des chemins. Nous avons la chance d’avoir l’Arboretum, près du lac Dow à Ottawa où nous pouvons marcher et identifier plus de 2 000 différentes espèces d’arbres et leurs variantes, un endroit propice pour partager un pique-nique entre amis.

Notre maison est entourée de merveilleux chênes d’environ 200 ans, ainsi qu’un énorme érable noir. Ils sont littéralement les gardiens de notre espace. Ils enveloppent notre demeure de beauté et ils nous offrent l’ombre désirée. Chaque arbre apporte un cadeau spécial. Les chênes sont forts et l’érable noir me parle de courage. Chacun d’eux m’inspire. J’admire leur forme, le contour des feuilles et la texture de l’écorce. Même en hiver, dépouillés de leurs feuilles, leur présence me touche. Je reconnais en eux le cycle de la vie. Au printemps, j’anticipe la floraison et les premières feuilles. Leur éveillement reflète la mienne. L’été nous amène de riches nuances de vert, des couleurs fraîches et une danse de lumière au coucher du soleil.

L’an dernier, les écureuils et les ratons-laveurs se sont régalés d’un festin de glands. Ceux-ci s’amusaient à secouer les branches et faire tomber une pluie de glands sur nos têtes.

Ce sont les arbres de mes rêves, tout comme les poèmes qui enjolivent notre vie. Aussi souvent qu’il m’est possible, j’essaie de les écouter et les sentir. Lors de moments de silence, on dirait qu’ils chuchotent, qu’ils me charment de leur magie. J’entends beaucoup plus que la chanson des feuilles, mais j’entends le silence, la beauté et le calme. Ils deviennent ainsi mes compagnons de voyage, partageant notre planète. Ils sont mes amis.

Mieux connaître nos arbres est important si nous désirons participer plus activement à une approche écologique, protégeant notre héritage naturel. Identifier les arbres qui nous entourent est une bonne façon de débuter. Il existe plusieurs bons guides pour nous aider, entre autres, « Les arbres du Canada » par Farrar.

Le rôle des arbres dans l’histoire humaine m’intéresse beaucoup. Lorsque, par exemple, nos civilisations fleurissaient alors qu’elles étaient entourées de forêts abondantes pour finalement tomber à cause de la pénurie de bois pour le carburant, pour bâtir des bateaux et pour fabriquer des armes. Par le fait même, ces civilisations ont perdu leur base d’agriculture. Les terrains jadis fertiles, ne pouvaient plus retenir la terre, une fois les forêts dénudées.

Il existe aussi des légendes et des mythes merveilleux sur les arbres que l’on retrouve dans plusieurs cultures dans le monde, incluant les aborigènes de l’Amérique du Nord. Un peu partout, les arbres sont reliés à des événements sacrés : l’éveillement de Bouddha sous l’arbre de Bodhi. Dans la bible, Moïse rencontre Dieu devant le buisson ardent. J’aimerais connaître davantage l’utilisation moderne multiple de nos arbres, allant de la nourriture à la médecine et aux vêtements. Certains ingénieurs et architectes ont même étudié la structure incroyablement forte des arbres et leur adaptation pour le dessin de structures d’édifices.

Dans mes temps de loisir, j’aime dessiner ou peindre une scène avec des arbres. Il n’est nullement nécessaire d’être un grand artiste pour prendre un pinceau, ni d’être poète pour écrire quelques vers. Photographier les arbres est une autre bonne excuse pour prendre le temps de bien les voir. Au fil des saisons, une abondante variation de textures, de formes, de structures et de couleurs s’offre à nous comme sujets idéaux. J’aime photographier différents angles, incluant les profils des fleurs, des bourgeons, des feuilles et des écorces ainsi que les vues d’ensemble de la structure de l’arbre. L’utilisation d’une simple caméra automatique peut très bien accomplir le travail. On peut toutefois s’aventurer dans l’achat d’équipement plus sophistiqué, spécialement créé pour la photographie de la nature.

Pour prendre de bonnes photos, il vaut mieux prendre le temps d’étudier et composer avec notre sujet attentivement.

Faut-il mentionner que les moments les plus précieux sont lorsque nous prenons simplement le temps d’être en nature et avec la nature?

Un peu de temps en forêt ou dans un parc me permet de me ressourcer. Je m’assois en silence et, dans un moment très profond, je laisse les arbres m’imprégner et me nourrir de leur force et grâce.

Photo 101 : Se permettre du noir et blanc

Nous nous souviendrons du temps gris et des pluies abondantes du printemps 2011. C’était parfois difficile pour le moral. Je me suis même aperçu que la température m’affectait. Période d’ermitage, d’isolement. Petite déprime. Manque de motivation. Et comme je clique à tous les jours de l’année en participant au Défi photo 365, les changements d’humeur sont « visuels » et bien perceptibles. Consciente de tout cela, tout en ayant confiance que le soleil allait bientôt revenir, je me suis amusée à trouver des symboliques photographiques. Période sombre, période de lumière. Explorons.

Univers gris

L’intérieur peint de pluie et de gris, mon œil n’avait plus envie de regarder la vie en couleur. Il ne la voyait plus en fait. Comme si mon cœur et mon doigt, normalement alignés, eux qui appuient sur le déclencheur de mon appareil, s’étaient éteints. Panne de courant. Tout était désaturé. C’est au jour 153 du Défi que j’ai décidé d’explorer visuellement ce que je vivais depuis quelques semaines. Ici, des fleurs, du muguet. Petites clochettes blanches, tiges et feuilles très vertes… Et si je les montrais en noir et blanc? Ce serait inattendu! Désaturées, transformées, question de refléter mon état. Une nouvelle expérience sensorielle? On perd certains sens, on ne les voit plus d’un même œil. Ici, on a presque l’impression qu’elles sentent moins bon. Leur parfum de miel s’est un peu dissipé. Leur douceur s’est durcie. Est-ce une illusion ou le ressentez-vous aussi? En noir et blanc, je regarde les courbes, la grâce. Les tiges alignées. L’unité. La cohésion du groupe. La douceur dans l’essence. Du muguet, oui, même en noir et blanc, pourquoi pas! L’idée symbolique d’associer le noir et blanc à une période plus sombre de sa vie.

L’obscurité aspire ou inspire?

On m’a dit que ce côté mélancolique et blasé, que l’on associe souvent aux artistes, est très « occidental », que c’est en quelque sorte « bon » ou « accepté » par la société que les artistes soient déprimés, qu’ils aient du vague à l’âme. « Les artistes eux, ils ont le droit. » Alors qu’en Orient, si j’ai bien compris, les peintres ou autres artistes seraient encouragés à présenter des œuvres réalisées dans un état d’esprit serein, méditatif et empreint de joie. Je ne connais pas la source de cette idéologie, alors je peux me tromper, mais ce concept est tout de même intéressant. On s’entend que du Baudelaire ou de la musique « country », ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus joyeux, ça peut être triste, dramatique, agonisant! On aime ou on déteste, mais c’est tout de même de l’art! Donc le fait de puiser dans la noirceur de notre être a toute une puissance d’innovation, une raison. C’est fascinant.

Qu’est-ce qui vous inspire le plus en création? Les moments joyeux ou les peines d’amour? Les regards d’enfants ou la sécheresse? Les mariages heureux ou le documentaire désolant? Peu importe. Vous avez raison. Affirmez-vous. La photographie est un médium d’expression exceptionnel qui nous permet de démontrer toutes ces facettes de la vie. Nos choix de scènes ne sont qu’un reflet de ce qui se passe à l’intérieur de nous ou de ce que nous cherchons à éviter à tout prix. Si je crois que la dépression est « mauvaise » en soi, je chercherai à montrer des scènes joyeuses dans mes photos. Si je crois que les scènes de bonheur extrême sont fausses, je me dirigerai vers le documentaire réaliste. Si je ne suis pas confortable avec mes propres émotions, j’irai peut-être explorer des sujets plus cérébraux. Ces exemples sont des extrêmes, mais l’idée est là. Qui suis-je comme photographe? Quel est l’état d’âme que je décide d’afficher? Apprendre à se connaître par les scènes que l’on se permet de prendre en photo. Le Défi 365 me fait réaliser que j’évite un bon nombre de sujets, je reste le plus souvent dans un connu confortable. Le beau, le gentil, le mignon… Mais si on est déprimé, il y a ce conflit intérieur qui n’a plus envie de montrer tout ce qui est positif tandis que d’autres, à l’inverse, se poussent à l’extrême pour y arriver quand même. Quel est votre mécanisme face à la noirceur et au manque d’inspiration? Et quand pour une raison ou une autre, les choses changent, le goût à la vie revient, que se passe-t-il…?

Et quand la couleur revient

Ah! Les étoiles dans les yeux sont revenues? Lumières de Noël! Bonbons! Sourires d’enfants! Champs de lavande! Chiots dans un panier! Bonjour!

Quand le soleil est revenu, à l’extérieur comme à l’intérieur, quel soulagement. Je n’avais plus assez de secondes dans une journée pour tout montrer ce que je voulais montrer!! Mes photos et mes textes reprenaient vie, enfin. Trop de choses, mes yeux étaient excités, stimulés, les couleurs soudainement tellement plus vives! Puis, je me suis souvenue de mon épisode d’obscurité. Avec du recul. J’ai eu de la gratitude. Mes yeux s’étaient reconnectés à mon cœur, puis à mon doigt qui clique, mais je pouvais maintenant comparer deux états, celui d’ombre, celui de lumière. Je pouvais maintenant apprécier.

« La nuit n’est qu’une partie du jour. » Traduction libre – Paulo Coelho

Pourquoi je vous dis tout ça? Je n’ai rien inventé avec ce concept, mais le message que j’ai envie de passer, est d’embrasser à part entière la personne que nous sommes. Avec nos hauts et nos bas. C’est le Yin et le Yang. Si tu ne connais pas la nuit, tu ne connais pas le jour. Le blanc existe par le noir. Le bon existe par le mal. Ce ne sont que des états de passage. Puis pourquoi ne pas explorer notre médium photo à travers toutes ces phases humaines et émotives.  Ça peut être tellement riche. Thérapeutique ! S’efforcer de prendre en photo ce que nous n’aimons pas voir. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il s’agit d’être conscient de ce que nous vivons, et d’apprécier où nous sommes dans notre démarche personnelle. Déprimé ou pas.

Et si notre propre noirceur était présente pour nous amener à mieux apprécier la lumière quand elle revient? Et si notre noirceur était une source incroyable de créativité et d’exploration? …Plusieurs gens s’interdisent de vivre de la noirceur, la nient, la repoussent, et surtout ils s’interdisent d’en parler aux autres de peur d’être jugés. Elle fait peur, c’est une mal aimée de notre société, mais elle est importante. Selon moi, la noirceur est un dénominateur commun chez les gens, elle nous rassemble. Elle est. Elle est là. Elle est là pour nous rappeler comment la vie est belle. Pour nous rappeler comment la vie, en couleur ou en noir et blanc, a de multiples facettes, ni meilleures, ni bonnes ou mauvaises. Pour voir ces facettes, nous devons avoir confiance!

« Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont. Nous les voyons telles que nous sommes. » Traduction libre – The Green Children

Avoir confiance

Marcher dans le noir n’est pas agréable, mais il faut avoir confiance. Dans la seconde qui passe, je vois noir, mais j’ai la certitude que dans un futur rapproché, je verrai la couleur ou la lumière. Croire. S’autoriser. Se donner le droit. Se donner le droit de voir en noir et blanc de temps en temps. Être humain, dans toute sa splendeur, sa folie, son absurdité, sa confusion, son bien et son mal-être, c’est ça la vie! Remercier nos périodes d’ombre, pour mieux apprécier la couleur quand elle revient. Se permettre du noir et blanc…tout simplement!

Je vous souhaite un très bel été.

Une porte vers un espace sacré

« Les barreaux sont à l’intérieur de moi », ai-je entendu dire dans les ateliers d’art-thérapie que j’offre à des femmes incarcérées.

Le fait que 80 % ont été marquées par l’abus, la perte ou l’abandon donne du relief à cette constatation. Plusieurs sources confirment que parmi les effets à long terme de ces traumatismes figure un sentiment d’impuissance. On peut comprendre que ce sentiment soit exacerbé par un régime de vie impliquant une surveillance constante et des restrictions imposées sur les activités, les déplacements, les fréquentations ainsi que sur l’expression des opinions et des sentiments. Malgré que bien des femmes en détention perçoivent la prison comme un lieu hostile et stérile, certaines profitent de leur séjour pour chercher à reprendre le contrôle de leur vie.

Dans ma propre vie, les expériences qui m’ont d’abord semblées pénibles sont devenues le moteur d’une transformation positive. Au cœur de ce processus se trouve la capacité d’accéder à ce que j’appelle un espace sacré. J’accède à cet espace par des actes qui engagent tout mon être, comme la contemplation, la méditation et la création dont la pratique m’expose à mes désirs les plus profonds. Dans cet espace intérieur, j’ai pris conscience de ma valeur intrinsèque et trouvé le pouvoir d’influencer le cours des choses. Ainsi, pour mon travail auprès des femmes incarcérées, je suis partie de l’idée que l’art-thérapie pourrait les mener vers un espace sacré apte à révéler leur potentiel et à les mettre en contact avec un sentiment de maîtrise. Cela peut sembler paradoxal. Comment un espace voué à l’emprisonnement pourrait-il s’ouvrir sur un espace sacré? Et comment les femmes incarcérées pourraient-elles développer un sentiment de pouvoir personnel à même un lieu où elles sont assujetties à l’autorité?

Pour répondre à ces questions, il faut savoir que les ateliers d’art-thérapie permettent une grande liberté d’action. Il ne faut pas penser que cela se traduit par un « free for all »! Au contraire, j’installe des paramètres clairs basés sur les notions de respect et de confidentialité, mais ce cadre est tempéré par l’opportunité de se livrer sans avoir peur d’être jugée. Le côté ludique des arts favorise cette suspension du jugement et permet de renouer avec l’enthousiasme et la passion, des sensations parfois difficiles à contacter quand on est en détention. L’éventail de couleurs, de textures, d’odeurs et le joyeux désordre qui se déploie durant l’atelier contribuent à stimuler cette énergie créatrice et à pallier à la stérilité d’un lieu institutionnel. Au-delà du sentiment de liberté favorisé par les rapports égalitaires et l’occasion de prendre des initiatives, il existe cet espace imaginaire illimité auquel les participantes peuvent accéder par le biais de la création. L’art permet un contact intime avec des dimensions qui échappent normalement à notre conscience, qu’il s’agisse d’un monde de rêves ou de fantasmes, de l’inconscient ou de la sphère mystique. L’historien d’art René Huygue (1980) explique que l’artiste enfreint les limites où « le temps et l’espace l’enferment » pour trouver un débouché vers « une expansion qui fasse éclater sa condition d’individu, restreinte et éphémère ». Bien sûr, la profondeur de l’expérience vécue par l’artiste dépend du degré de son engagement et de son investissement. D’après mes observations, les femmes incarcérées découvrent généralement que l’expression artistique peut servir d’exutoire pour des émotions troublantes; dissiper l’anxiété et induire un sentiment de paix; rehausser l’estime de soi et susciter un sentiment de fierté.

Un extrait d’une séance d’art-thérapie avec Maryse (un pseudonyme) illustre le pouvoir transformateur de la création. Dans sa première mouture, une peinture de sa silhouette lui inspire de l’aversion. Il faut dire que l’application d’un pastel noir a créé un effet non voulu de barreaux de prison. « J’t’en prison » dit-elle, une constatation qui l’amène à travailler avec vigueur pour couvrir le fond de couleurs chaudes. Alors que les barreaux lui faisaient penser à « un monde un peu violent », le résultat final lui semble « moelleux, confortable ». Le losange en filigrane est « un espace par en dedans (…) qui vient me réconforter », explique-t-elle. Elle semble fière d’avoir bravé sa peur du rejet. « J’ai arrêté de me juger, précise-t-elle. Je m’suis dit, ben c’est comme ça que j’suis et si c’est laid, ben, si c’est pas correct, j’fais la même chose pareil et c’est pour ça là que j’ai de l’énergie, j’suis calme. »

En résumé, l’art-thérapie permet d’accéder à un espace de non-jugement au sein duquel on peut jongler – dans un esprit de jeu – avec ce qui intrigue, émerveille ou dérange et ainsi développer un sentiment de pouvoir personnel. J’y plonge et replonge dans le cadre de ma propre pratique artistique et aussi par le biais du rituel et de la méditation, mais quel privilège d’y pénétrer en plus dans le cadre de mon travail auprès des femmes qui sont incarcérées!

Réf. : Huyghe, R. (1960). L’Art et l’âme. Paris: Flammarion.

Ne rien faire! Pour quoi faire?

Bien installée dans ma maison, j’ai eu envie de ne rien faire : juste rester là, assise dans mon fauteuil préféré et laisser la douceur du silence balayer mes préoccupations de tous les jours.

Ne rien faire n’est pas bien vu dans notre société. Même en vacances. Et pourtant, ne rien faire est un merveilleux moyen d’ouvrir en soi une brèche par où le souffle de la créativité peut se glisser dans notre vie.

Les artistes le savent. Dès que la page blanche reste muette, que les couleurs refusent de chanter sur la toile ou que les notes de musique désertent la partition, ils abandonnent l’action, mettent de côté leur volonté et restent à l’écoute de l’inconscient.

Les artistes comprennent que l’inconscient est une grande marmite qui ne demande que quelques ingrédients pour mijoter une œuvre de création : un peu de technique, une ou deux idées et la capacité de s’ouvrir aux images vivant au fond de soi. Quel plaisir alors de voir jaillir des profondeurs de son être, des plages inconnues et des forêts mystérieuses qui rappellent que l’on est plus grand que ce que l’on croyait être. Se laisser porter par le flot de la créativité, quelle belle façon de ne rien faire!

L’inaction ne met pas seulement notre créativité en lumière. Parfois, elle dévoile nos peurs, nos angoisses, nos colères, nos jalousies, nos frustrations, notre honte, bref, toutes ces choses sombres que nous aimerions refouler pour toujours. Avez-vous remarqué que notre meilleur ami est rarement nous-même? Rester en notre seule et unique compagnie n’est généralement pas notre activité préférée. Seul, nous nous supportons difficilement. Nous nous ennuyons vite. Nous sentons notre vide intérieur. Et pour ne pas vivre trop longtemps avec les parties de nous qui nous dérangent, nous fuyons dans l’activité extérieure, les divertissements ou dans les bras d’amis qui, espérons-nous, écouteront, comprendront et nous aimeront mieux que nous nous aimons nous-même. Il existe pourtant des moyens qui facilitent un face à face avec soi-même.

Il y a de nombreuses années, je me souviens d’avoir été désemparée. Fraîchement débarquée dans une ville étrangère, je me suis retrouvée loin de ma langue natale, de mes habitudes et de mes amis. Je ne connaissais personne. Je me sentais seule. J’ai alors décidé de faire de moi ma meilleure amie.

J’ai pris un cahier, un crayon et j’ai écrit toutes les pensées et tous les sentiments tels qu’ils se présentaient à ma conscience. Embarrassé par la syntaxe et la ponctuation, mon crayon n’allait pas assez vite pour saisir ce qui déferlait en moi. J’ai donc momentanément laissé tomber les règles grammaticales pour donner libre cours au flot intérieur, qui se déversait sur la page blanche comme un torrent trop longtemps réprimé. Cette écoute active m’a été profitable. Non seulement la solitude est devenue un agréable endroit où me retrouver, mais j’ai découvert un moyen efficace de me connaître de plus en plus profondément, tout en me laissant porter par l’inépuisable source créatrice qui vit en moi. Je crois que cette source vit en chacun de nous. Elle n’attend qu’une toute petite brèche pour s’élancer dans notre vie. Elle attend peut-être que vous ayez un tout petit moment pour… ne rien faire.

Ne rien faire! Pourquoi faire? Vraiment?

Vivre, tout un art!

Nous avons une tendance naturelle à l’activité; généralement, c’est une activité qui vise l’amélioration de ce que nous sommes ou de ce qui nous entoure : nous faisons de l’exercice physique, nous décorons nos maisons, aménageons notre terrain, suivons des cours ou participons à des ateliers pour augmenter notre savoir ou nos compétences. Nous rêvons tous d’un avenir meilleur pour nous et pour d’autres, mais cette vie idéale nous échappe aussitôt que nous croyons la saisir. Ce que nous savons intuitivement, loin au fond de nous, presque enterré sous les préoccupations quotidiennes, c’est que notre vie peut s’approcher de l’idéal dont nous rêvons : au milieu de la ville, quand nous rêvons de la campagne, au milieu de l’agitation quotidienne, quand nous rêvons de calme et de paix, au milieu des responsabilités quelquefois bien lourdes, quand nous rêvons de liberté. Comment est-ce possible?

Nous avons le pouvoir de transformer ce quotidien qui paraît terne ou chaotique, en transformant notre façon de le vivre. On pourrait appeler cela l’art de vivre. C’est un art supérieur, pour lequel les femmes sont particulièrement douées, ce qui n’exclut pas les hommes pour autant.

En effet, ce n’est pas tant ce que l’on fait qui importe, mais la façon dont nous le faisons. Comment procéder pour opérer cette transformation? L’harmonie, le calme que je cherche, il me faut le cultiver en moi tout d’abord. Cette démarche de l’intérieur fait alors des vagues qui se répercutent sur mon environnement immédiat, mon entourage personnel, puis de cercle en cercle à travers ceux que j’ai touchés, sur des personnes que je ne connais même pas, puis finalement sur toute la société. Ce changement que j’ai apporté se répercute bien au-delà de ma petite personne.

Voilà pourquoi Gandhi disait : « Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde ».

Quoi changer, comment faire vivre cette aspiration en moi? Il me faut écouter mon être intime, entendre ce qu’il a à me dire. Il a de bons conseils : « Sois plus patient envers cette personne », « Prends le temps d’écouter ton enfant », « Aie confiance », « Ne saute pas aux conclusions trop vite », « Ne le prend pas personnel », etc…

Il me faut créer les conditions favorables pour que cette écoute intérieure puisse se produire : me réserver du temps pour entendre ces conseils bienveillants, ce dialogue important avec mon être intime, le cœur de ma personne, ce noyau spirituel, qu’on nomme l’esprit.

Il me faut aussi lui donner « à manger », nourrir son appétit de beauté, d’harmonie et d’amour. L’art peut être un de ces moyens privilégiés pour renouer avec l’intérieur et aussi pour le nourrir. Platon affirmait, quatre siècles avant Jésus-Christ : « La musique est un moyen plus puissant que tout autre parce que le rythme et l’harmonie ont leur siège dans l’âme. Elle enrichit cette dernière, lui confère la grâce et l’illumine. ».

Écouter de la bonne musique, chanter dans une chorale ou seul chez soi, broder, peindre, dessiner, écrire ou lire des textes qui touchent mon cœur; ce n’est pas le résultat extérieur qui compte, c’est le processus, et le résultat est là, même si on ne le voit pas. Ce résultat, c’est le développement de mon être intérieur et la satisfaction d’avoir ajouté à la beauté, d’avoir pu réaliser mon désir d’harmonie.

La construction de mon être intérieur, voilà la mission de ma vie! En m’élevant (comme on élève un enfant), je suis heureux et j’en fais bénéficier tout mon entourage. Je participe à la création de ce monde meilleur que je souhaite pour moi, pour ma famille et mes amis. Je travaille activement à sa venue, par mes pensées bienveillantes envers moi-même et envers les autres. Et cette activité aura un retentissement sur toute la société et, qui sait, sur le monde…

Le moi créatif et passionné

« Le plaisir engendre la passion, la passion crée l’émulation, la créativité et le dépassement professionnel », citation de Jean-Luc Tremblay, auteur du livre « La performance par le plaisir ».

J’ai présenté une conférence à l’Université du Québec en Outaouais le 14 novembre dernier, intitulée : « Rire et plaisir… utile ou futile? ». J’ai amené mon sujet en énonçant un paradigme perdu :

  • croire qu’une vie sans malheur est la quintessence du bonheur,
  • croire que l’on naît heureux.

En effet, même si je l’ai longtemps pensé moi-même, il est illusoire de croire que le bonheur se définit par l’absence de malheur. Selon le Dr Murray Banks, psychiatre et auteur, « On ne naît pas heureux… on apprend à l’être. On apprend à s’adapter à la vie comme on apprend à jouer au tennis ou à danser », dit-il.

Cela dit, pourquoi parler du rire et du plaisir comme expression du moi créatif et passionné? Pour ma part, j’ai découvert qu’il y avait des pistes propulsantes du côté du plaisir. Je n’ai pas fait le tour de la question, bien sûr! Cependant, je m’y intéresse vivement, car le rire et le plaisir ont un effet puissant sur la passion et la créativité, et sur la santé physique et psychique, en général. Le plaisir est une force vive qui nous aide à nous réaliser à notre plein potentiel. C’est une pulsion qui nous rend vivant, vibrant. Faut-il le rappeler, la créativité et la passion ont conduit l’homme aux confins de la planète, à la conquête des étoiles et l’ont mené aux plus grandes découvertes scientifiques et technologiques que nous connaissons aujourd’hui. La passion et la créativité ont aussi donné au monde ancien et moderne les plus grands penseurs, les plus grands créateurs dans toutes les sphères de l’activité humaine.

Sur les traces de l’optimiste!
Au départ, les personnes optimistes traversent la vie avec entrain et sont en meilleure santé que les autres. Des recherches menées à l’Université de Pittsburgh ont montré que les optimistes avaient une pression sanguine plus basse que les pessimistes. De plus, les patients optimistes sont ceux qui récupèrent le mieux à la suite d’une opération et qui reprennent le plus rapidement leurs activités professionnelles.

Vous l’avez sûrement observé aussi : les optimistes sont enthousiastes, actifs et confiants en la vie. Ce sont des bâtisseurs! Ils pavent la voie et on aime les suivre. Ils nous entraînent dans leur sillage, car ils savent voir le beau côté des choses. Les optimistes font preuve d’ouverture; ils vont spontanément vers les autres, sans masque. Ils ont une capacité à être eux-mêmes, collés à la réalité ici et maintenant. Les pessimistes, eux, appréhendent la prochaine tuile qui leur tombera sur la tête. Ils se croient perpétuellement dans un monde plus hostile qu’il ne l’est en réalité. Au moindre échec, ils se replient sur eux-mêmes. Ils ont peur du rejet au point de vivre en retrait, figés dans l’évitement. Ils rongent leur frein en blâmant le monde entier de leurs malheurs. Alors, sachant que « l’on est ce que l’on pense », on doit prendre conscience de ses pensées négatives si l’on veut changer sa perception des choses et de la vie. Il y a donc un état d’esprit à transformer. Cette transformation découle d’un choix rationnel et conscient : cultiver des pensées positives afin de faire face aux adversités avec courage. « Le bonheur se trouve au fond de soi, dans une âme sereine », affirme le Dr Murray Banks.

Dans son livre « La guérison par le plaisir », le Dr Yvon Saint-Arnaud, psychologue, parle de la « jouissance d’exister ». Cette « jouissance d’exister » dit-il, « passe par la jouissance de faire ». Par exemple, faire des études, du sport, du jardinage, du bricolage, de la peinture, du bénévolat et le reste, amènent « la jouissance d’être, d’exister ». Il y a forcément dans le passage à l’action, un sentiment d’accomplissement, de réalisation de soi. Ce sentiment d’accomplissement répond à des besoins psychiques fondamentaux tels les besoins de liberté, de créativité, d’amour, de reconnaissance, entre autres. Voilà donc pourquoi il importe de changer le dialogue intérieur avec l’inconscient. Commençons par regarder ce que l’on a au lieu d’envier le voisin. Tâchons de faire preuve d’humilité afin d’assumer notre part de responsabilité dans ce que nous vivons, sans pour autant nous taper sur la tête. Ne perdons pas de vue que, chaque geste posé et chaque parole prononcée tissent notre bonheur ou notre malheur.

La persévérance, une piste…
Il importe de concentrer nos efforts dans tout ce que nous entreprenons et jusqu’au bout! Pourquoi sortir de la zone de confort? Pourquoi dépasser les peurs? Eh bien, pour rester vivant! La vie est une adaptation constante face aux différents défis qui se posent à nous, quotidiennement. Retenez bien que tout ce qui débute par une passion, un rêve, doit être soutenu par un degré substantiel d’enthousiasme et de persévérance. En clair, il ne suffit pas de rêver. On doit maintenir les efforts, multiplier les démarches jusqu’à ce que notre objectif, notre rêve aboutissent.

Un tissu d’enchantement
Tendez la main, offrez un sourire, cultivez l’humour, ouvrez votre cœur; vous tisserez de l’enchantement autour de vous. Vous verrez, c’est contagieux!